Chanson paienne - Pagan Love Song - 1950 - Robert Alton

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Moonfleet
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Chanson paienne - Pagan Love Song - 1950 - Robert Alton

Message par Moonfleet » 24 mai 2019, 10:31

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Chanson païenne (Pagan Love Song - 1950) de Robert Alton


Hazard Hendicott (Howard Keel), instituteur dans l’Ohio, a entendu parler des paradisiaques Mers du Sud et rêve de s’y rendre. Cela tombe bien, il vient d’hériter d’un de ses oncles d’une plantation de noix de coco à Tahiti. L’excuse est toute trouvée pour changer de vie. En arrivant sur place, il fait la connaissance de Mimi (Esther Williams) qu’il prend pour une ‘indigène’ et à qui il demande d’être sa servante alors qu’elle est en fait une métis née de parents très riches. Elle ne fait cependant rien pour le lui dire, voulant ainsi se venger de son arrogance envers les ‘natives’. Alors qu’elle disait s’ennuyer d’être constamment ‘en vacances’ et ayant eu dans l’idée de partir parcourir le monde, la venue de ce bel américain va lui faire retarder sa décision…

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Cette comédie musicale de Robert Alton traine derrière elle une sale mais injuste réputation, pas moins que celle d’être la plus mauvaise tournée sous l’égide de la célèbre Freed-Unit, l’équipe conduite par Arthur Freed à la Metro-Goldwin-Mayer qui est à l’origine des plus grands classiques du genre pour le studio du lion ; les plus renommées sont signés Vincente Minnelli, George Sidney, Charles Walters ou Stanley Donen, avec pour exemple pas moins que Un jour à New-York (On the Town), Un Américain à Paris (An American in Paris), Chantons sous la pluie (Singing in the Rain), Tous en scène (The Band Wagon) ou encore Brigadoon… pour ne citer que les plus célèbres. Certes il est évident que face à ces mastodontes louangés à juste titre, Pagan Love Song fait très pâle figure ; le film est évidemment très mineur mais de là à le considérer aussi mal, je ne saurais être aussi catégorique, le trouvant par exemple bien plus digeste et sympathique que des puddings tels Ziegfeld Follies ou Till the Clouds Roll by (La Pluie qui chante).

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Alors incontestablement le scénario est d'une rare indigence, une suite ininterrompue de clichés, de bons sentiments et de situations risibles, certes les costumes et décors rivalisent de kitsch… Mais nous sommes à Tahiti (filmé sur la magnifique île de Kauai à Hawaii) avec ses couchers de soleil romantiques, sa mer bleue turquoise, ses plages de sable blanc, ses palmiers, ses ‘indigènes’ constamment joyeux et ses gentilles (et jolies) vahinés qui sont donc bien évidemment de la partie. Tout ceci pourrait prêter à sourire (et beaucoup en sortiraient probablement hilares à force de moquerie) et pourtant pour ceux qui apprécient ce genre de spectacle et qui savent à quoi s’attendre, le visionnage de ce film est un véritable régal : le dépaysement et l'exotisme hollywoodien dans toute leur splendeur, le divertissement pur et dur sans aucunes autres arrières pensées ! Une succession de chansons, de danses (étonnante et superbe séquence de la hula tahitienne avec danseurs-acrobates ahurissants de souplesse et une musique uniquement faite de percussions), de sourires, de couleurs, de bonne humeur et d'humour bon enfant. Dommage cependant que Stanley Donen n’ait pas été derrière la caméra comme prévu au départ car la mise en scène du chorégraphe Robert Alton s’avère un peu fade ; il faut dire que ce dernier a été un peu forcé d'endosser la casquette de réalisateur alors qu'il n'avait rien demandé et que le tournage fut parfois cauchemardesque en raison d’épouvantables conditions météorologiques. Il retournera ensuite à ce qu’il savait parfaitement bien faire, la chorégraphie, s’occupant par exemple de celles de The Belle of New York de Charles Walters, White Christmas (Noël Blanc) de Michael Curtiz ou encore There's No Business Like Show Business (La Joyeuse parade) de Walter Lang, tous superbes au moins de ce point de vue.

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Esther Williams ayant souffert des quolibets de Stanley Donen et Gene Kelly quant à son manque de talent sur les plateaux de tournage de l’euphorisant Take me out to the Ball Game (Match d'amour), la sculpturale nageuse hollywoodienne refusa de tourner une autre fois avec le grand cinéaste - d'où le choix de Robert Alton. Quoiqu’il en soit, dans son deuxième ‘musical exotique’ après On a Island with you de Richard Thorpe, elle s’avère à nouveau très piquante,tout à fait ravissante en paréo et nous octroie quelques très belles séquences 'sous-marines' dont un long et surréaliste ballet nautique final. Howard Keel et sa puissante voix de baryton suscite toujours autant la sympathie et le couple qu'il forme avec sa partenaire nous entraîne à sa suite dans cet océan de naïveté qui arrive parfois - à condition une nouvelle fois de savoir et d’accepter par avance ce qu'il en est - à faire le plus grand bien. Il s’agissait seulement du deuxième film de Howard Keel après le survolté Annie reine du cirque (Annie Get your Gun) grâce auquel il fût promu vedette du jour au lendemain dans la peau de ce poseur fanfaron et arrogant, personnage qu’il reprendra quasiment à chaque fois avec beaucoup de bonhomie et énormément d’humour, très doué dans l'auto-dérision. La MGM l’avait alors embauché pour faire concurrence au baryton de la Warner, Gordon McRae, et elle avait fait le bon choix ; s’ils chantent tous deux aussi bien, Howard Keel possède des talents de comédiens bien supérieurs à ceux de son concurrent, témoin ici même sa capacité à nous faire éclater de rire lors de son arrivée en sarong dans une réunion de l’élite des ‘notables’ de l’île tous en costumes. A noter aussi l’une des premières apparitions de Rita Moreno qui sera surtout connue par la suite pour son rôle dans West Side Story de Robert Wise (‘I’d Like to be in America’).

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"All my life's been one long vacation and I'm bored" se plaint le personnage interprété par Esther Williams : qu’elle n’hésite surtout pas à échanger avec notre situation si ça lui pèse autant ! En attendant, pour vous faire croire déjà en congés d’été, n’hésitez pas à revenir sur les chansons certes pas forcément inoubliables mais cependant toutes éminemment sympathiques du film écrites par le duo Harry Warren/Arthur Freed, surtout ‘The House of Singing Bamboo’ – mélodie au départ écrite pour The Harvey Girls - par Howard Keel et Rita Moreno, ‘Just Singing in the Sun’ que chante Howard Keel en parcourant l’île à vélo, ‘Etiquette’ au cours de laquelle il est accompagné de trois enfants ou encore ‘The Sea of the Moon’ que nous susurre à l’oreille le couple du film qui sera à nouveau réuni à plusieurs reprises et surtout pour le très amusant Jupiter’s Darling (La Chérie de Jupiter) de George Sidney en 1955. L'usine à rêve, comme on a souvent appelé Hollywood, ne pouvait sous cette appellation que nous offrir ce genre de spectacles en Technicolor ; nous ne sommes pas encore prêts de nous en lasser !
Source : DVDclassik

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