George (Keenan Wynn) est propriétaire d'un restaurant de bord de mer près de l'autoroute 101 en Californie. Il se lasse des querelles permanentes entre ses 2 employés, la serveuse Kotty (Terry Moore) et le cuisinier Slob (Lee Marvin). George, qui aime secrètement Kotty, réprimande son cuisinier pour son harcèlement constant sur la jeune femme qui refuse ses avances. Elle est de toute façon la petite amie de Sam (Frank Lovejoy), physicien nucléaire dans un laboratoire voisin, et c'est pour lui plaire qu'elle a repris ses études dans le but de travailler pour le gouvernement. Un soir, Slob reçoit de Perch, un pêcheur local, une livraison de poissons mais aussi une petite boite que Slob dissimule puis cache dans sa chambre. La nuit suivante, Sam rejoint Slob et la conversation qui s'engage permet de comprendre que le scientifique vend à Perch et Slob des informations secrètes sur le programme nucléaire américain. Kotty entend leur conversation et est horrifiée de découvrir que son héros -et petit ami- est un traître …
En tant que spectateur, il est rare qu'après le visionnage d'un film, je me sois demandé ce qui avait pu conduite à sa production dans le cadre hollywoodien, surtout s'agissant d'un film ayant un sujet aussi pris au sérieux à l'époque et possédant un tel casting … Et bien ce film est si étrange qu'il est de ceux là car il est à ce jour le plus dingue des films anticommunistes que j'ai pu voir, sous genre du thriller américain certes gros pourvoyeur de films ratés à force d’excès de zèle et de ridicule dans l'expression de leur conviction mais avec le film d'Edward Dein, je ne parlerais même pas de nanard mais de film absolument hors normes, dingue, saugrenu …. et toutes sortes de qualificatifs voisins.
Et on cherche une explication … On s'aperçoit que les initiateurs du film n'étaient pas des foudres de guerre : Edward Dein au scénario, ici avec sa femme, a écrit et réalisé des films quasiment invisibles, ou mal considérés (La femme sangsue et d'autres) … et un film de vampires dans un cadre de western : Dans les griffes du vampire (1959). Voilà qui est digne du réalisateur du seul film anticommuniste dans lequel le burlesque s'est invité ! Or, qui s'attendrait à ce qu'un film montrant la fuite des plans nucléaires américains chez les soviétiques et mettant en vedette Frank Lovejoy, Lee Marvin, Terry Moore, Keenan Wynn et Whit Bissell prendrait par moments des allures de bouffonnade ?
Cela dit, d’aucuns - dont moi, en cours de route – pourraient douter de la qualité de l'humour disséminé dans le récit. On pourra aussi douter de l’intérêt d'un grand nombre de petits détails saugrenus relatifs à certains des personnages ou contenus dans nombre de dialogues. On pourra trouver que toutes ces bizarreries ne s'intègrent pas très bien à la dramaturgie car l'intrigue est bien, malgré les digressions stylistiques, celle d'un thriller d'espionnage passant donc par des tensions véritables et des scènes violentes mais au bout du compte, malgré toutes les maladresses, ce film a un charme unique dans le cycle noir et pour cette raison il vaut selon moi la peine d'être vu.
La séquence d'ouverture annonce déjà le programme : gros plan sur Terry Moore qui se trouve en contrebas du restau, allongée sur le sable en maillot de bain. Lee Marvin s'approche d'elle l'air goguenard. Lorsqu'il parvient au premier plan, on s'aperçoit qu'il a l'oreille collée à un coquillage et qu'il sourit, semblant écouter une conversation avant d'opiner du chef, puis il se penche sur Terry Moore, l'embrasse de force et la soulève du sol. Elle se débat alors et le frappe. Il la projette au sol et tandis qu'elle jure, lui, parvenu au sommet de la dune, décroche ses dessous qui séchaient et les jette sur le sable
Le festival Lee Marvin se poursuit ainsi tout du long et il vole littéralement toutes les scènes où il apparait :
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Les seuls autres clients du lieu sont les chauffeurs routiers Pepe (Donald Murphy) et Artie (Jess Barker) et on aperçoit brièvement un autre scientifique, vendu lui aussi au commies (interprété par Frank DeKova). On ne quitte d'ailleurs pour ainsi dire pas le restaurant censé être l'épicentre d'un complot soviétique en vue de dérober certains des secrets nucléaires les plus étroitement gardés des états unis. Mais heureusement, Kotty va défendre les valeurs de son pays en tentant de déjouer les sombres projets de ces traitres (de temps en temps, ce que j'écris est si beau que j'aurais envie de me complimenter moi même ).
Au milieu du délire, on retrouve quand même des séquences plus attendues : les méchants tuent et on évoque le nom d'un mystérieux chef de réseau invisible qu'il faudra bien démasquer (Mr. Gregory)… deux gros effets de surprise - que d'aucuns auront anticipés - interviennent dans la partie finale et, entre temps, quelques détails sonnent justes : la façon dont sont exprimées les motivations respectives de Sam ( qui trahit pour l'argent) et Slob ( par soif de reconnaissance) ou encore, les propos qu'ils échangent sur Kotty (dont Sam prétend se moquer mais qui interdit à Slob de la harceler) mais justement ces changements de ton sont particulièrement déroutants, entre un sens de l'humour qui ne fonctionnera pas avec tous les spectateurs, quelques bribes de romance mollassonne (surtout au début puisque, évidemment, Kotty largue son fiancé et c'est à ce moment là que George se déclare mais on ne peut même pas parler ici de classique "triangle amoureux") et une intrigue de thriller d'espionnage qui se voulait extrêmement sérieuse et typique de cette période de la guerre froide mais en raison des nombreuses digressions, forcément la tension se relâche méchamment conférant à ce film un statut absolument à part de ce sous genre populaire du thriller d'espionnage durant les années 50.
Malgré ces réserves, en tant qu'ovni du genre, ce Shack Out on 101 est à voir. Autres attraits périphériques : la superbe photo N&B signée Floyd Crosby (le père du petit gros à moustaches de Crosby, Stills, Nash and Young) et l'excellent musique très jazzy signée Paul Dunlap (rien à voir avec les pneus. Oui, c'est bien le même qui plus haut doutait de la qualité de l'humour de l'œuvrette du jour). Vu en vost.
Attention : spoiler photographique
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