Oklahoma - 1955 - Fred Zinnemann

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Moonfleet
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Oklahoma - 1955 - Fred Zinnemann

Message par Moonfleet » 29 mai 2019, 16:29

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Oklahoma (1955) de Fred Zinnemann
R & H PRODUCTIONS


Avec Shirley Jones, Gordon McRae, Glen Nelson, Gloria Grahame, Rod Steiger, Eddie Albert, Charlotte Greenwood
Scénario : Sonya Levien & William Ludwig
Musique : Richard Rodgers
Photographie : Robert Surtees (Cinemascope 2.55 ou Todd-Ao 2.20)
Un film produit par Arthur Hornblow Jr pour la Rodgers & Hammerstein Productions


Sortie USA : 11 octobre 1955


Dans le domaine du ‘Broadway Musical’, Oklahoma fut la première collaboration entre le compositeur Richard Rodgers et le librettiste Oscar Hammerstein II. A cette occasion le duo entama une carrière pas spécialement prolifique mais d’une rentabilité ahurissante. Les autres titres de gloire de leur coopération furent (tous adaptés ensuite au cinéma) State Fair (La foire aux Illusions), South Pacific, Carousel et surtout, plus connus dans nos contrées, Le Roi et moi - The King and I (rendu célèbre par l’interprétation de Yul Brynner sur grand écran) ainsi que La Mélodie du bonheur (The Sound of Music) somptueusement mis en scène au cinéma par Robert Wise avec dans le rôle principal Julie Andrews. Ces six comédies musicales rapportèrent aux deux homme une fortune ; elles sont toujours constamment jouées, Oklahoma demeurant la plus appréciée du public américain. La première du spectacle sur Broadway eut lieu le 31 mars 1943 ; il fut ensuite joué 2243 fois sans interruption cinq années durant dans la même salle jusqu’au 29 mai 1948 ! Il faudra attendre My Fair Lady en 1956 pour que ce record soit battu. En 1944, le duo obtint un prix Pullitzer spécial pour son œuvre. La comédie musicale d’origine, sur les planches, eut pour metteur en scène non moins que Rouben Mamoulian et pour interprètes Alfred Drake, Howard Da Silva et Celeste Holm. Devant ce succès retentissant, la plupart des grands studios hollywoodiens essayèrent d’acquérir les droits pour l’adaptation cinématographique mais même la toute puissante MGM (la reine en la matière) n’y réussit point.

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Claremore, Oklahoma au début du 20ème siècle. Curly (Gordon McRae) est heureux : il chevauche le long des immenses champs de maïs en louant cette radieuse matinée ensoleillée (‘Oh what a Beautiful Mornin’). Il se rend en effet chez sa tante Eller (Charlotte Greenwood) où il espère réussir à convaincre la nièce de cette dernière, la jolie Laurey Williams (Shirley Jones), d’être sa cavalière lors de la soirée dansante qui aura lieu dans les heures qui viennent. Faisant mine de ne pas être intéressée, Laurey commence à changer d’avis quand Curly lui fait miroiter qu’il la conduira dans une superbe carriole de conte de fées (‘The Surrey with the Fringe on Top’). Par fierté mal placée, ne voulant pas faire croire à Curly avoir été charmée, elle décide que son cavalier demeurera le taciturne garçon de ferme, Jud Fry (Rod Steiger), à qui elle avait déjà fait cette promesse. Tante Eller se rend à la gare à la rencontre de Will Parker (Glen Nelson), cow-boy du coin tout content d’avoir pu gagner une somme d’argent suffisante pour pouvoir épouser la dévergondée Ado Annie Carnes (Gloria Grahame). Tout émoustillé, il raconte à ses amis sa virée en ville où il s’est trouvé confronté à la civilisation (‘Kansas City’). Lorsqu’il retrouve sa fiancée chez Tante Eller, elle est accompagnée d’un voyageur de commerce, Ali Hakim (Eddie Albert), à qui elle a promis le mariage, ne se souvenant plus l’avoir déjà fait à Will, ayant la mémoire d’un poisson rouge et incapable de dire non à n’importe quel garçon (‘I Cain’t say no’). Arrivent aussi à la ferme, des quatre coins de la région pour y faire une halte, tous les habitants se rendant à la fête du village. Les jeunes filles s’enferment toutes dans la chambre de Laurey pour se faire belles (‘Many a new Day’). Qui de Curly, Will, Ali ou Jud arriveront à s’attirer les faveurs de Ado Annie et Laurey ?

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Les producteurs de cinéma s’inquiétant de plus en plus de l’émergence grandissante de la petite lucarne dans les foyers américains, ils ne chôment pas pour trouver des idées afin de continuer à attirer un public toujours plus nombreux dans les salles. Après la 3D et le cinémascope, ils voient encore plus grand et, parallèlement au Cinérama, c’est le Todd-Ao qui fait son apparition. Oklahoma est le premier film à avoir été filmé à l’aide de cette technique exploitant un format de pellicule de 70mm. Ce sera également un des seuls avec aussi Le Tour de Monde en 80 jours de Michael Anderson car non seulement le procédé était couteux mais il fallait également que toutes les salles soient rééquipées à neuf avec projecteurs 70mm, optiques adaptées et écrans incurvés. Ce système au rendu parait-il impeccable (aussi bien de l’image que du son) ne fut donc que très peu exploité. Techniquement, alors que le cinérama nécessitait trois caméras et trois projecteurs (avec deux bandes verticales trop visibles en projection : on se rappelle de La Conquête de l’Ouest par exemple), le Todd-Ao n’utilisait qu’une seule caméra équipée d’un unique objectif. Son format de projection est moins large que le 2.35 voire 2.55 du Cinémascope traditionnel, à savoir 2.20, une partie plus importante que la moyenne (en l’occurrence 5mm) étant dévolue aux pistes sonores qui pouvaient s’élever au nombre de six. Les deux premiers films ayant bénéficiés de cette nouvelle technique (ceux évoqués ci-dessus) devant être projetés à la vitesse de 30 images par seconde et peu de salles étant équipées pour (seulement une quarantaine le seront), ils ont nécessité d’être tournés en parallèle en cinémascope afin de pouvoir être massivement distribués. Quoiqu’il en soit, la première projection en Todd-Ao fut donc celle du film qui nous concerne ici et eut lieu le 11 octobre 1955 au cinéma Rivoli de New York. Le succès fut au rendez-vous et ne s’est jamais démenti depuis (aux USA).

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Peu satisfait de l’adaptation du pourtant charmant State Fair par Walter Lang en 1945 (avec pour duo vedette Jeanne Crain et Dana Andrews), Richard Rodgers et Oscar Hammerstein se lancèrent dans la production à l’occasion d’Oklahoma. Il est étonnant de constater encore aujourd’hui que la cote d’amour et de popularité de ce film aux USA n'est pas redescendue d’autant qu’on a beaucoup de mal à la comprendre à sa vision. Ceci dit, Carousel, l’adaptation suivante d’un succès de Rodgers et Hammerstein par la 20th Century Fox (avec à nouveau le couple vedette Gordon McRae/Shirley Jones), pourtant réalisée par Henry King, sera encore plus calamiteuse même si ça semble difficile à concevoir devant déjà tant d'indigence ! Qu’Oklahoma ait récolté l’Oscar de la meilleure musique s’avère tout à fait compréhensible et justifié tellement Richard Rodgers s’est toujours avéré l’un des plus talentueux mélodistes du genre et qu’ici encore il a frappé très fort ; mais pour le reste, on se demande encore ce que Fred Zinnemann est venu faire dans cette galère, semblant d’ailleurs aux abonnés absent derrière sa caméra ultra-statique. Ce sera son unique incursion dans la comédie musicale et le résultat me conforte dans le fait de penser que ses meilleurs films se situent en tout début de carrière, durant les années 40 avec par exemple les excellents mais peu connus La Septième Croix (The Seventh Cross), implacable suspense durant la Seconde Guerre Mondiale avec Spencer Tracy, Acte de Violence (Act of Violence), très bon film noir avec Van Heflin et Robert Ryan ou encore C’étaient des Hommes (The Men), le premier film avec Marlon Brando en tête d’affiche. Je continue à me demander comment, dans la carrière du très inégal Fred Zinnemann, ces films ont pu être à ce point oubliés au profit des célèbres mais laborieux Le train Sifflera trois fois (High Noon) ou Tant qu’il y aura des Hommes (From Here to Eternity).

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Oklahoma est donc une nouvelle comédie musicale qui prend pour cadre et décors le Far West américain après une petite poignée de prédécesseurs (à peine une dizaine). Elle comporte son lot de cow-boys et de fermiers, le thème d’une des chansons (‘The Farmer and the Cowman’) relatant d’ailleurs les fameuses rivalités ayant eu lieu entre ces deux catégories d’hommes de l’Ouest dès le milieu du 19ème siècle. Mais que les amateurs de westerns purs et durs passent leur chemin car l’intrigue sans aucune intensité dramatique ne comporte pas la moindre pincée d'action, le climax du film (hormis le petit coup de folie final perpétré par le personnage interprété par Rod Steiger) étant constitué par une vente aux enchères de paniers garnis ! Autant dire qu’il ne faut pas s’attendre ni à des chevauchées ni à des fusillades, pas même à des bagarres à poings nus (ou tellement vite expédiées) mais à diverses romances et triangles amoureux d’une assez grande mièvrerie. Si le scénario avait été réussi, le film aurait pu être plaisant mais il s’avère d’une indigence totale ; idem en ce qui concerne la mise en scène sans aucune inspiration, incapable de donner le moindre souffle, la moindre ampleur à n’importe quelle séquence. Quant au casting, il n’est pas des plus enthousiasmants. Si Gordon McRae était un très bon chanteur à la voix chaleureuse (son ‘Oh what a Beautiful Mornin’’ qui ouvre le film est merveilleux), il n’était qu’un piètre acteur. Il en va de même pour Gene Nelson qui en revanche (et on ne le répétera jamais assez) était un formidable danseur mais qui n’a malheureusement que peu d’occasion de nous le montrer ici. Shirley Jones, sorte de sosie de Jane Powell, reste assez terne ; quant à la présence de Gloria Grahame et de Rod Steiger, elle est aussi incongrue que si nous étions tombé sur John Wayne nageant aux côtés d’Esther Williams dans une des innombrables comédies musicales nautiques de cette dernière ! Nous n’aurions donc guère été plus étonnés de trouver James Dean à la place de Gordon McRae ; et cette fois ce n’est pas une blague puisqu’il fut réellement auditionné en interprétant la chanson 'Pore Jud’ dixit Fred Zinnemann dans son autobiographie ! Restent Eddie Albert, Charlotte Greenwood et James Whitmore qui font mouche à deux ou trois reprises ; mais tout ceci reste bien maigre.

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Quant aux amateurs de comédies musicales, ils peuvent facilement se passer de cet Oklahoma qui n’a finalement pas inventé ni révolutionné grand-chose si l’on ne s’en tient qu’aux divers numéros musicaux qui le parsèment et malgré le fait que ce soit Agnès de Mille qui ait été chorégraphe sur le film comme sur scène. Sans quitter la comédie musicale exclusivement westernienne, pour une séquence similaire à celle de l’habillage des femmes, se tourner plutôt vers le survitaminé Les 7 Femmes de Barberousse (Seven Brides for Sevent Brothers) de Stanley Donen ; idem pour celle de la ‘fête champêtre. Pour admirer des décors studios totalement irréalistes, voire joliment surréalistes comme ceux qui jonchent la séquence du rêve (interminable et guère enthousiasmante ‘Out of My Dreams’ malgré quelques belles toiles peintes), se reporter principalement vers le très curieux Les Jarretières Rouges (Red Garters) de George Marshall ; idem pour la parodie des éléments constitutifs du western. Les spectateurs plus fleurs bleues qui souhaiteraient entendre des têtes à têtes en amoureux et en chansons au sein de beaux paysages du Far-West, feraient mieux de se jeter sur The Harvey Girls de George Sidney ; idem pour une chorégraphie spectaculaire près d’un train en marche. Pour ceux qui souhaiteraient vraiment rire (même si ce n’est pas finement), ne pas hésiter à voir ou revoir plutôt Calamity Jane (La Blonde du Far-West) de David Butler ou Annie Reine du Cirque (Annie Get your Gun) de George Sidney. Autant dire qu’Oklahoma ne fait pas le poids face à toutes ces autres amusantes et (ou) charmantes comédies musicales. Mais je ne voudrais pas vous écœurer, les avis positifs sur ce film de Zinnemann étant assez nombreux surtout Outre-Atlantique. A vous de juger sur pièce ! En tout cas, même si on peut se passer de voir ce ‘Musical’ sans rythme et sans vie, il serait dommage de ne pas l’écouter, Richard Rodgers signant ici un petit chef-d’œuvre à la fois très élaboré et parfaitement accessible. Peut-être aussi en allant découvrir le spectacle sur scène ?!
Source : DVDclassik

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