Noël Blanc - White Christmas - 1954 - Michael Curtiz

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Moonfleet
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Noël Blanc - White Christmas - 1954 - Michael Curtiz

Message par Moonfleet » 25 mai 2019, 17:18

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Noël Blanc - White Christmas - 1954 - Michael Curtiz

La nuit de Noël 1944 sur le front européen ; les soldats Bob Wallace (Bing Crosby) et Phil Davis (Danny Kaye) ont monté un spectacle dans les décombres d’un village en hommage à leur Général (Dean Jagger) qui part ensuite à la retraite. Mais ils ne peuvent l'achever puisqu’un nouveau bombardement ennemi a lieu. Bob et Phil se retrouvent à l’hôpital. Le conflit étant terminé, ils décident de former un duo de chanteurs de music-hall. Forts de leur succès, ils reçoivent une lettre d'un ancien camarade de l'armée leur demandant d'assister au spectacle de ses deux sœurs, Judy (Vera-Ellen) et Betty (Rosemary Clooney). Les deux amis s'y rendent, Phil nourrissant secrètement l'espoir que Bob tombe amoureux afin qu’il ne pense plus qu’au travail et que de son côté il puisse alors bénéficier d'un peu de temps libre. Alors qu’il courtise Judy, Phil tente de pousser Bob dans les bras de Betty. N’ayant pas payé leur loyer, les deux sœurs sont poursuivies par la police ; les deux hommes font diversion pendant qu’elles s’échappent pour prendre un train en direction du Vermont où elles sont attendues pour honorer un contrat. Pourchassés à leur tour, Bob et Phil se retrouvent dans le même train que les deux sœurs ; ils descendent tous dans une auberge de campagne et ils ont l’immense surprise d’apprendre que son propriétaire n’est autre que celui qui fut leur Général durant la Seconde Guerre mondiale. Lui vouant une profonde admiration, le voyant un peu déprimé du fait de l’insuccès de son affaire (la neige n’est pas au rendez-vous pour les skieurs), ils décident de lui concocter une surprise...

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White Christmas fut en son temps un succès phénoménal, assez inexplicable au vu des qualités réelles du film. En réaction épidermique, surtout en France, il reçut une volée de bois vert tout aussi imméritée de la part des critiques. Il faut dire que la critique française, contrairement à ses consœurs anglo-saxonnes moins cyniques (d’outre-manche et d’outre-Atlantique), a toujours eu du mal avec le kitsch et les bons sentiments, la comédie musicale dans son ensemble n’ayant jamais vraiment eu sa faveur, n’ayant jamais vraiment été considérée comme un genre majeur par une grande majorité des journalistes de cinéma de l’Hexagone. Car si effectivement on a du mal à comprendre comment cette comédie musicale bon enfant mais sans aucun génie a pu engranger de telles recettes, on ne voit pas trop non plus ce qui a pu générer une aussi extrême sévérité en retour ; si rien n'est spécialement inoubliable dans ce film, il contient néanmoins assez d'éléments extrêmement sympathiques pour passer un très agréable moment. Le but premier du genre étant de divertir et de redonner le sourire aux spectateurs, la mission est ici pleinement réussie. Et tant pis pour ceux qui recherchent autre chose de plus constructif dans le cinéma ; il leur faudra sans aucun doute passer leur chemin. Nous sommes certes, qualitativement parlant, très loin des chefs-d’œuvre du genre signés Vincente Minnelli, Stanley Donen, Charles Walters ou George Sidney, mais Michael Curtiz n’a surtout pas à rougir de nous offrir un spectacle aussi euphorisant.

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Ce n’était pas la première incursion dans le genre du célèbre réalisateur des Aventures de Robin des Bois puisque, auparavant, il signa notamment en 1943 le tout aussi culte La Glorieuse parade (Yankee Doodle Dandy) avec James Cagney, biographie du compositeur patriotique George M. Cohan, puis trois ans plus tard celle de Cole Porter avec Cary Grant tenant son rôle dans le bien moins réjouissant Night and Day, avant de lancer la carrière de Doris Day avec les deux belles réussites que furent Romance à Rio (Romance on the High Seas) et Il y a de l'amour dans l'air (My Dream Is Yours). S’ensuivront encore deux autres bons films avec Doris Day avant que dans le genre il ne réalise ce fameux White Christmas qui fait suite dans sa filmographie à son passionnant et intelligent péplum, hélas encore trop méconnu L’Egyptien. Si pour Michael Curtiz les années 50 furent dans l’ensemble décevantes comparativement aux décennies précédentes, on constate au vu de ces quelques titres qu’elles ne méritaient pas non plus une telle opprobre, d’autant que d’autres agréables films auraient pu être ajoutés parmi ses réussites de l’époque tels Le Fier rebelle (The Proud Rebel) dans le domaine du western ou encore Un Homme pas comme les autres (Trouble along the Way) dans celui du drame sportif. Bref, encore une fois, il serait fort judicieux de nuancer cette triste légende qui veut que le grand cinéaste soit devenu mauvais dans sa dernière partie de carrière. La preuve du contraire avec ce Noël blanc qui nous concerne ici, pour la petite histoire d'ailleurs le premier film à avoir été tourné en Vistavision.

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Le rafraichissant script de White Christmas est basé avant tout sur trois des caractéristiques scénaristiques les plus fréquentes du genre : différentes romances imbriquées, les quiproquos vaudevillesques qui s’ensuivent tout logiquement, ainsi que la préparation d’un spectacle. Les numéros musicaux sont certes un peu placés arbitrairement et artificiellement au sein de l’intrigue mais ceci est vrai pour 90 % des productions du genre. La troupe préparant un spectacle, entre deux séquences comiques ou pseudo-dramatiques (les couples ne s’entendent pas forcément toujours bien, même si l'on sait très bien qu'ils seront tous réconciliés au final), on intercale un numéro lors de la répétition de celui-ci par la troupe ; une fois encore (mais les amateurs le savent déjà pertinemment), il faut ne pas non plus chercher un quelconque réalisme et absolument mettre en marche sa suspension d’incrédulité pour que passe la pilule. Car tout simplement, la logistique des numéros que l’on voit à l’écran prend dix fois plus de place et d'ampleur que ce que la salle de spectacle décrite dans le film ne peut se permettre d'en contenir ; c’est comme si l’intrigue du film se déroulait dans un petit café-théâtre et que le spectacle censé être présenté à cet endroit avait besoin pour se déployer tel que montré à l’écran de la scène de Paris-Bercy !

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Cela étant dit, avec l’aide des techniciens de la Paramount qui accomplissent des prouesses dans le domaine des décors et costumes aux couleurs chatoyantes (merci à Edith Head notamment), les numéros musicaux sont agréables et les différentes chansons signées Irving Berlin tout à fait plaisantes. On retiendra surtout les deux versions de Sisters, la première, sensuelle, chantée et dansée par Vera-Ellen et Rosemary Clooney, la seconde, inénarrable, avec les mêmes voix mais avec Bing Crosby et Danny Kaye travestis pour la chanter en play-back ; le quatuor Snow lors de la séquence du train ; le virtuose duo Danny Kaye / Vera-Ellen dans la sportive The best thing happen when you're dancing ; Love, you didn't do right to me chantée par Rosemary Clooney dans une splendide robe de velours noir ; la magnifique Count Your Blessings Instead of Sheep par le duo Bing Crosby et Rosemary Clooney... et bien d’autres encore dont la fameuse chanson-titre. Contrairement à ce que l’on aurait pu croire, celle-ci n’a pas été écrite pour le film de Michael Curtiz mais en 1942 pour une comédie musicale assez similaire dans son intrigue, Holiday Inn (L’Amour chante et danse) réalisée par Mark Sandrich avec pour interprètes principaux Bing Crosby et Fred Astaire. Elle obtint l’Oscar de la meilleure chanson cette même année et eut immédiatement un succès phénoménal au point de devenir une sorte d’hymne d’espoir pour les soldats de la Seconde Guerre mondiale. C’est toujours aujourd’hui la chanson la plus vendue au monde.

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Si Michael Curtiz en fait le minimum syndical tout en nous octroyant encore quelques élégants mouvements de caméra, les chansons d'Irving Berlin sont donc pour la plupart excellentes, Rosemary Clooney est charmante et sa voix enveloppante un véritable régal, Vera-Ellen et son air mutin toujours aussi virtuose lorsqu'il s'agit de danser, le sympathique Danny Kaye fait vite oublier les acteurs pressentis avant lui - qui étaient Fred Astaire et Donald O’Connor -, et la voix de Bing Crosby est toujours aussi chaude et agréable. Quelques passages peuvent sembler assez déplaisants comme le numéro assez réactionnaire Choreography, fustigeant la danse moderne, le scénario n'a pas grand chose d'enthousiasmant mais l'ensemble se laisse suivre sans ennui et même au contraire avec grand plaisir ; on se prend même à être ému par le White Christmas final et par les yeux embués du toujours aussi excellent Dean Jagger. Finalement, si l'on se laisse prendre par la main sans trop se poser de questions, cette comédie musicale peut sans problème vous sembler être un petit enchantement, peu avare en joie de vivre et en fraîcheur. Un quatuor d'acteurs de rêve et des seconds rôles qui ne déméritent pas (Mary Wickes notamment) évoluant au sein d’un Technicolor chatoyant, une très belle musique, d'excellents numéros musicaux, c'est vraiment le film de circonstance en cette fin d’année et qui avait finalement bien mérité son succès. Un délicieux et charmant petit cadeau de Noël avant l’heure. Pour l’anecdote, une version scénique du film vit sa première représentation à l’opéra de St Louis en juillet 2000.
Source : DVDclassik

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