[Court-métrage] Sgt. Rock (2019)

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pak
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[Court-métrage] Sgt. Rock (2019)

Message par pak » 07 juin 2020, 17:44

Le sergent Rock est l'une des figures emblématiques de l'âge d'or du comics chez DC Comics aux États-Unis.

Il appartient au pendant guerrier de l'éditeur, qui a vu des héros récurrents comme le Tank Hanté, les Perdants, le Soldat Inconnu, l'As Ennemi pour citer les meilleurs, dessinés par Joe Kubert, Russ Heath, John Severin, Sam Glanzman, Frank Thorne, Gerry Talaoc sur des scénarios de Robert Kanigher, d'Archie Goodwin, David Michelinie...

En France, une (petite) partie de ces bandes ont été traduites et sont (mal) parues dans ce qu'on appelait les petits formats, bandes dessinées au format poche en N & B sur papier bon marché. Mal car généralement la traduction modifiait la géométrie des bulles et donc les planches étaient retouchées grossièrement là où la bulle d'origine modifiée laissait un espace vide.

Parues d'abord de manière dispersée dans divers titres (on trouve deux récits de l'As Ennemi dans Bat Lash et Capitaine Courage, deux dans Commando, Feu, Téméraire, etc... , deux du Tank Hanté dans Météor, une dans Capitaine Courage, Kamikaze, Typhon, Vigor, etc... ), ces histoires de guerre seront rassemblées dans divers titres chez l'éditeur Arédit qui en récupère les droits : Choc (qui connaitra trois collections : la première de 100 numéros d'octobre 1959 à décembre 1965, la seconde de 33 numéros entre mars 1972 et avril 1983, la dernière de 16 numéros entre mars 1985 et octobre 1987), Brûlant (qui en connaitra deux : une première de 46 numéros d'avril 1967 à avril 1977, une seconde de 16 numéros de décembre 1977 à mai 1981), et l'éphémère Raid (4 numéros entre février et décembre 1982).

Le sergent Rock est un cas à part en France car c'est le seul héros de cette écurie qui eut sa propre revue, nommée sobrement Sgt. ROCK, à la toute fin de l'ère du petit format, avec 15 numéros parus entre mars 1986 et juin 1987.


La plupart des séries de guerre DC ont en commun un regard assez négatif sur la guerre. On voit les héros régulièrement meurtris, ratant parfois leur mission, ou devant faire un choix entre deux mauvais. Le message général est que la guerre c'est l'enfer, ce qui distingue ces bandes de celles parues dans les titres de l'éditeur concurrent Impéria (Rapaces, Rangers, Panache, Attack, Battler Britton, Tora, Les 5 As, Sergent Guam, Navy, etc... ) nettement plus impersonnelles.

Le sergent Rock ne fait pas exception, et même si la caricature du méchant nazi, notamment dans les bandes dessinées par Kubert (ça s'affine par la suite chez Heath), les auteurs, aussi bien scénaristes que dessinateurs, n'hésitent pas à montrer les dégâts tant matériels que psychologiques perpétrés par la guerre.

Bien-sûr, le personnage reste un héros, presqu'un super-héros : le sergent descend régulièrement des avions avec son arme individuelle, ce qui est dans la réalité quasi impossible, et il a aussi pas mal de blindés à son actif. Il n'est pas rare non plus qu'il termine (ou commence) une aventure en étant blessé. De plus il a combattu partout, du débarquement en Afrique du Nord à ceux d'Italie (à Salerne et Anzio), on le verra en France et en Allemagne, connaissant même un périple dans le Pacifique. Mais il y a un côté adulte dans le traitement de ce héros de bande dessinée qui le distingue de la plupart des figures de papiers guerrières de l'époque.

Autre particularité, il est à la tête d'une unité (la compagnie E, ce qui n'est pas réaliste, car il devrait être au commandement d'une section vu son grade), avec d'autres personnages récurrents. Le noyau dur étant composé de : la montagne de muscles Bulldozer, l'Indien Little Sure Shot rebaptisé Cerf Adroit en français, le Black Jackie Johnson (là encore une facilité scénaristique puisque les unités américaines du second conflit mondial n'étaient pas mixtes en termes de couleur de peau), le sauvage barbu Wildman, le jeunot "Ice Cream Soldier" renommé Glacey dans l'adaptation française. D'autres viendront se greffer avec le temps.

Ce long préambule parce que le personnage du sergent Rock n'est pas très connu chez nous, hormis chez ceux qui ont connu et lu les récits complets dans les années 1960 à 80, qu'on trouvait partout. Par contre, outre Atlantique, le personnage est encore ancré dans la culture populaire. Il y est fait référence dans un épisode de saison 7 des Simpson, dans le film Predator, on voit au début un des personnages lire un exemplaire du comics Sgt. Rock, dans la VO d'Opération crépuscule (The Package) d'Andrew Davis (1989), le personnage de Tommy Lee Jones est à un moment comparé au Sgt. Rock, quand on ouvrait la double pochette de l'album compilation "Endless Summer" des Beach Boys sorti en 1974, on pouvait voir un des membres du groupe représenté en train de lire le comics Sgt. Rock...

Tellement populaire que depuis la fin des années 1980, un projet d'adaptation en film circule de mains en mains. Ce fut longtemps Arnold Schwarzenegger qui était envisagé pour interpréter le personnage. Des scénarios ont été écrits par des gens aussi divers que David Webb Peoples (en 1987, l'auteur de Blade Runner et d'Impitoyable d'Eastwood), Steven E. De Souza (en 1988, l'auteur de 48 heures et sa suite, et de Piège de cristal), John Milius (en 1993, peut-être la version qu'on peut regretter de ne pas avoir vu le jour) ou Brian Helgeland (en 1996, l'auteur de Payback ou Mystic River). Puis ce fut le producteur Joel Silver qui récupéra le bébé avec Bruce Willis en ligne de mire, projet qui semblait sur le point de réussir vers 2007, avec Guy Ritchie aux commandes. Ultime projet sans cesse repoussé. Aux dernières nouvelles, il était question de sortir du contexte de la seconde guerre mondiale. Si c'est pour en arriver là...


Mais ce qui a motivé ce post, c'est la sortie d'un court-métrage d'animation en 2019, Sgt. Rock, réalisé par Bruce Timm, un habitué des adaptions animées des univers de DC Comics, puisqu'il ne fait quasi que ça depuis le début des années 1990, avec Karl Urban doublant le sergent. Le tout produit par la Warner.

Lorsque la série animée Batman, à laquelle Bruce Timm contribua fortement, commença à être diffusée à partir du 5 décembre 1992 sur Canal +, celle-ci fut largement saluée pour son dynamisme et son respect du matériau d'origine, et pour son juste équilibre entre série pour enfant et un traitement assez adulte.

Que Timm s'attache à un projet comme l'adaptation en film d'animation d'une aventure du sergent Rock pouvait dont passer pour une bonne nouvelle. Hélas, seule la déception domine au sentiment d'inquiétude qui grandit après la vision du massacre.

Déjà l'animation : sommaire, simpliste, laide, visiblement sous-traitée en Corée du sud vu les nom au génériques, par des studios qui avaient sûrement autre chose à faire. Aucun effort pour se rapprocher d'un certain réalisme tant sur les décors que sur les équipements.

Mais là où la faute est impardonnable, c'est dans l'écriture. Première erreur, exit les personnages de la compagnie, on les zigouille d'entrée. Et les nouveaux équipiers de Rock, ce sont qui ? Rien de moins qu'un loup-garou, un vampire et la créature de Frankenstein ! Quant à la mission, elle revient à trouver une scientifique allemande dont les travaux sont de créer des soldats avec des morts, bref une répétition du mythe de Frankenstein. Un scénario qui se mort la queue, où pour empêcher les nazis de créer des créatures surnaturelles, l'armée américaine en utilise d'autres...

Seule vraie référence à la version dessinée sur papier, l'apparition de "l'Iron Major", un officier allemand avec une main en fer en guise de prothèse, un ennemi que Rock rencontrera plusieurs fois. Mais il ne reste rien de la personnalité de soldat qui respecte son ennemi tout en étant impitoyable. Dans le court-métrage, ce n'est plus qu'une caricature de nazi mille fois vue ailleurs.

Bien que le court-métrage ne dure qu'un peu moins de quinze minutes, la déception est immense. Représentative du cinéma américain des années 2000, on sent là une tentative d'utiliser du vieux comme prétexte pour la création d'effets spéciaux spectaculaires mais sans âme. Quel est le but de cette entreprise ? Tester la réaction des spectateurs pour une éventuelle utilisation du personnage dans un des films de super-héros produits par DC Entertainment et Warner ? Mélanger Histoire et super-héros comme ça a été fait dans le Wonder Woman et son contexte de première guerre mondiale ?

Il semble évident que DC rappelle tous ses héros pour combattre l'écurie Marvel qui multiplie les succès (en dollars s'entend, artistiquement, je ne m'étendrai pas... ). Mais les super-héros de DC, hormis la poignée la plus connue (Superman, Batman, Wonder Woman, Aquaman, Green Lantern, Flash... ) sont-ils si peu exploitables que DC se sente obligé de piocher dans ses autres héros guerriers plus réalistes ?

Je parlais d'inquiétude plus haut. En effet, DC a déjà sorti le sergent Rock de son environnement naturel, pour le mêler à des histoires fantastiques. Est-ce donc l'avenir du personnage ? Après toutes ces décennies d’atermoiements, on en arrive donc là ? Le sergent Rock avec des vampires ? Il semble qu'il faille faire son deuil d'une adaptation classique du sergent Rock au cinéma, tant il est vrai aussi que les films sur la seconde guerre mondiale attirent peu les foules, en tous cas nettement moins que ceux avec des types costumés qui s'envoient des immeubles sur la tronche.

Mais si ce court-métrage est un signe avant-coureur du futur du héros, que la compagnie se souvienne du récent Overlord de Julius Avery et produit par J.J. Abrams, mélange de film de guerre et de film fantastique, dont le scénario est assez proche dans l'esprit de celui du court-métrage, qui ne fut une réussite ni à l'écran et ni au box-office... Ou encore de la bouse que fut l'adaptation de Jonah Hex, véritable échec au box-office, avec une dimension fantastique qui ne s'imposait pas.


Le massacre ici : https://www.cineserie.com/movies/2882880/video/2882883/

Edit : la vidéo n'existe plus sur le lien.

Des extraits (avec la durée volatile des vidéos YT) :





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Dans la guerre, il y a une chose attractive : c'est le défilé de la victoire. L'emmerdant c'est avant...

Michel Audiard

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