Un témoin dans la ville - Edouard Molinaro - 1959

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wintergreen
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Un témoin dans la ville - Edouard Molinaro - 1959

Message par wintergreen » 13 déc. 2009, 23:11

Pierre Verdier menacé par Ancelin dans une grande propriété de Neuilly sur Seine:"Attention, je vais crier, les voisins vont entendre"
Ancelin: " Les gens riches n'ont pas de voisins Mr Verdier, ils n'ont que des arbres et des pelouses"

L'histoire: Pierre Verdier (Jacques Berthier) tue son amante dans un train. Faute de preuves, il bénéficie d'un non lieu. Ancelin (Lino Ventura), le mari cocu se venge en réalisant un crime parfait, mais est surpris à proximité du lieu de son forfait par Lambert (Franco Fabrizi), un chauffeur de taxi...

Comme le souligne Alain Corneau dans les bonus du DVD Miroir, le film noir hexagonal se distingue de son homologue américain en ce sens qu'il intègre à des histoires policières, le fameux réalisme social, hérité d'une longue tradition française.
Un témoin dans la ville en est le parfait exemple; l'environnement professionnel des personnages principaux ou secondaires étant indissociables de l'intrigue.
On suit donc le quotidien d'une équipe nocturne de radio - taxis (roulant exclusivement en 403 noires !), composée de chauffeurs tout droit sortis de chez Audiard (la gouaille de Robert Dalban), et de jeunes opératrices radio, fraiches et taquines. Tous ce beau monde animé d'une véritable solidarité corporative d'équipe, se retrouve au petit matin au troquet du coin pour manger des tripes, sous les vannes de l'équipe de jour, qui carbure au café croissant.
Derrière ce tableau picaresque des parigots des années 50 et du Paris nocturne de l'époque, se tisse une cascade de hasards malheureux, de coincidences facheuses qui plongent le film dans une tonalité noire, tragique et injuste.
On sait que les 2 principaux personnages, Ancelin le chasseur et Lambert le gibier, sont de braves types, intègres et chaleureux (on pardonne à Ancelin - amoureux cocu - le meurtre du tueur de son épouse, tant ce dernier est une véritable ordure) Et on les voit donc lentement mais sûrement se diriger vers une fin tragique à cause d'un caprice du destin, alors qu'ils évoluent dans le même milieu (Ancelin est chauffeur routier) et auraient certainement pu, en d'autres temps et d'autres lieux, écluser un godet ensemble avec plaisir et devenir potes.

Le trio de scénaristes Oury, Molinaro, Poiré, apporte la caution divertissement populaire à ce film, qui se distingue néanmoins de la qualité française habituelle de l'époque grâce à la touche d'atmosphère mystérieuse, étrange, à la limite du fantastique, du script de Boileau - Narcejac, accentuée par le noir et blanc.
Les longues séquences nocturnes de la vengeance d'Ancelin, quasiment muettes, dans une grande batisse isolée, privée d'électricité, éclairée à la lueur tremblante des bougies de chandelier, distillent une ambiance de frissons. Une grande partie du film se déroule d'ailleurs la nuit, dans les rues parisiennes désertes, nappées de brume hivernale. Un climat à la Simenon. La fin du film (encore de nuit), exhale également une ambiance sinistre et angoissante avec des gros plans d'yeux de rapaces nocturnes, observant la fin poignante, dans le Jardin d'Acclimatation.

L'excellent score jazzy de Barney Wilen , avec de long solos de batterie accompagnant les scènes de tension, renforce le cachet "moderne" du film

A noter également d'haletantes et dynamiques poursuites de voitures (toujours en nocturne, si, si ! :mrgreen:) et des carambolages, tournés dans les rues parisiennes
Même si c'est pas du Rémi Julienne et si les gros plans des pilotes sont filmés en studio, ça reste honorable pour un film 50'

Rejeton illégitime d'un Melville par sa froideur, son déterminisme dramatique et d'un Grangier par son coté bonne franquette, Un témoin dans la ville est un bon film noir

Existe en DVD aux Editions Atlas

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Yza
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Re: Un témoin dans la ville - Edouard Molinaro - 1959

Message par Yza » 11 avr. 2012, 14:51

Un DVD zone 2 de chez Gaumont existe, belle copie...à 13€ chez JG :roll:

pass
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Re: Un témoin dans la ville - Edouard Molinaro - 1959

Message par pass » 26 déc. 2014, 16:33

Première représentation à Paris le 6 Mai 1959 au " Colisée " et au " Marivaux " .

kiemavel1
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Re: Un témoin dans la ville - Edouard Molinaro - 1959

Message par kiemavel1 » 29 déc. 2015, 20:54

Un témoin dans la ville

Une femme est tuée par son amant qui la précipite hors du train à bord duquel ils voyageaient. Verdier, l'amant, est acquitté faute de preuves mais peu après Ancelin, le mari, s'introduit de nuit au domicile du meurtrier et le tue avant de maquiller son crime en suicide. Mais au moment où il pense s'évanouir dans la nuit, il est vu par un "témoin dans la ville", un chauffeur de taxi dont il ne réalise pas immédiatement le danger qu'il représente. Un petit retard à l'allumage grave de conséquence car une suite de petits contretemps, de ratés…et un renoncement vont rendre longtemps insaisissable le témoin gênant entrainant une longue chasse à l'homme qui va nous faire visiter Paris par tous les moyens : à pied, en métro, en voiture. Pendant que le personnage interprété par Ventura rate tous les rdv avec son témoin gênant, Molinaro ne perd pas de temps et nous montre une histoire d'amour débutante ; l'univers d'une profession, chauffeur de taxi de nuit ; la solidarité et la camaraderie régnant dans ce milieu populaire. Tout ceci revêtant une grande importance pour la suite…

Tout est parfait dans ce film. Il s'ouvre brutalement, directement par le crime commis impunément par l'amant de Mme Ancelin et c'est une scène déterminante puisqu'elle va conditionner la complexité des sentiments que va éprouver le spectateur à l'égard d'Ancelin (Lino Ventura) car malgré son statut de chasseur, on est aussi un peu avec lui. L'arrogance du coupable et de son avocat ; les propos tenus par Verdier avant de mourir dans lesquels il tentait de renverser les culpabilités ; plus tard, un renoncement d'Ancelin qui a une occasion de supprimer le radio-taxi…tout ceci contribue à ne pas éprouver de répulsion pour ce personnage. Et d'autant plus quand le prédateur deviendra chassé...

Mais on est bien sur aussi avec le taxi dont on suit notamment l'histoire d'amour débutante avec une standardiste de la compagnie qui l'emploie (jouée magnifiquement par Sandra Milo…si je trouve son adresse, elle va recevoir une lettre enflammée ). Molinaro trouve le moyen -alors que ce n'est pas son sujet- de nous montrer un couple 50th aussi touchant qu'Antoine et Antoinette (Becker) ! Le metteur en scène utilise aussi à merveille le métier du témoin, prétexte à nous balader dans un Paris nocturne admirablement mis en valeur. Dans les petits bars où le traqué retrouve ses camarades (dont son meilleur ami joué par un très bon Robert Dalban), on comprend la solidarité des prolos du bitume…et pas de bol pour Ancelin, les taxi sont plus solidaires que les gars de la CGT !

Ce 3ème long métrage du réalisateur est plus "américain" que son premier film criminel : Le dos au mur et on y sent encore davantage l'influence du film noir que Molinaro a du bien regarder jusqu'aux petites séries B car cette idée de la standardiste de la société de radio-taxi amoureuse du chauffeur traqué provient sans doute de personnages semblables que l'on voyait dans Traqué dans Chicago ou De minuit à l'aube mais Molinaro rend avec intérêts puisque c'est très intelligemment exploité y compris dans la partie finale. Les deux amants continuent de se séduire par radio interposée tant que le chauffeur ignore le danger qui le guette…avant que la radio ne soit utilisée comme un instrument pour rester en vie...

Les déambulations dans Paris sont encore plus nombreuses que dans sa première tentative et "poursuite" oblige, le rythme est plus soutenu (et il ne va pas cesser de s'accélérer). On sent aussi que le métier est rentré : la précision des cadres et des mouvements de caméra ; les petites idées de mise en scène qui enrichissent presque chaque séquence ; tout respire le travail bien fait du solide professionnel…On retrouve quelques signes d'une identité bien française dans de petites trouvailles scénaristiques, notamment pour la présence de nombreux petits personnages par lesquels passent souvent des notes humoristiques plus discrètes que dans Le dos au mur. Ces petits personnages fugaces sont interprétés par des comédiens bien connus (Sacha Briquet, client saoul d'une boite de nuit exclu par le videur Guy Piérault. Dora Doll apparait quelques secondes en prostituée et quelques "gêneurs" viennent perturber le drame en train de se jouer. On voit Billy Kearns en soldat américain s'imposant dans un taxi ou bien Daniel Ceccaldi en client italien ; entre autres)

NB : Bien que différent, pour sa force, le final m'a rappelé celui d'un polar français pas vu depuis au moins 20 ans, le bien nommé La traque de Serge Leroy.

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chip
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Re: Un témoin dans la ville - Edouard Molinaro - 1959

Message par chip » 30 déc. 2015, 09:06

Deux films hautement recommandables, les Molinaro analysés par Kiemavel, les dvd Gaumont sont de bonne tenue. " Des filles disparaissent ", que je n'ai pas vu, joué par la très sexy Magali Noël, mérite parait-il, d'être redécouvert, et "le gang des otages " à la distribution sympathique, oublie les temps morts (dvd Gaumont).

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Re: Un témoin dans la ville - Edouard Molinaro - 1959

Message par kiemavel1 » 31 déc. 2015, 10:23

chip a écrit :Deux films hautement recommandables, les Molinaro analysés par Kiemavel, les dvd Gaumont sont de bonne tenue. " Des filles disparaissent ", que je n'ai pas vu, joué par la très sexy Magali Noël, mérite parait-il, d'être redécouvert, et "le gang des otages " à la distribution sympathique, oublie les temps morts (dvd Gaumont).
Je n'ai vu ni l'un ni l'autre mais j'ai bien envie de les découvrir même s'il va être surement difficile de trouver aussi bien que Le dos au mur et Un témoin dans la ville , deux très grandes réussites qui m'ont surpris de la part de quelqu'un dont je ne connaisais pour ainsi dire que les comédies.

Stark
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Re: Un témoin dans la ville - Edouard Molinaro - 1959

Message par Stark » 17 févr. 2017, 09:21

Edouard Molinaro avait démarré sa carrière comme réalisateur de polars avec un sens inouï du cadrage, de l'éclairage et du montage. Il faut dire qu'il était passionné de caméra depuis son adolescence et qu'il avait déjà une grande réputation dans le milieu du film amateur. Donc "Le Dos Au Mur", "Des Femmes Disparaissent" (Jane Marken et Philippe Clay inoubliables) , "Un Témoin Dans La Ville", "La Mort De Belle". Puis un dernier sursaut dans le polar dix ans plus tard avec "Le gang Des Otages" avec Bulle Ogier et Daniel Cauchy dont c'est l'un des derniers films, bien ancré dans les années 70, mais c'est moins intéressant que "Le Dos Au Mur" et "Un Témoin Dans La Ville", les deux meilleurs polars disponibles de Molinaro. "Des Femmes Disparaissent" bénéficie d'une atmosphère nocturne et de personnages sadiques qui ne laissent pas indifférent.
Il reste "La Mort De Belle" qui m'avait impressionné il y a plus de 30 ans et qui n'est pas disponible en dvd chez nous, même pas en cassette vidéo, peut-être a-t-il été diffusé sur le câble. Beaucoup le considère comme le chef d'oeuvre de Molinaro.
En bonus du dvd "Les Ennemis" se trouve un entretien intéressant avec Edouard Molinaro qui aurait pu devenir un grand maître du polar français avec des scénarii ultimes, il en avait la trempe.

kiemavel1
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Re: Un témoin dans la ville - Edouard Molinaro - 1959

Message par kiemavel1 » 18 févr. 2017, 23:46

Jamais vu celui là : La Mort De Belle. D'après ce que tu en dis, je pars à la chasse.

Stark
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Re: Un témoin dans la ville - Edouard Molinaro - 1959

Message par Stark » 19 févr. 2017, 08:24

En italien sur youtube, donc pas intéressant.
Je pars également en chasse.
Egalement sur youtube avec Lino, La Ragazza in Vetrina, bien côté, mais toujours en italien, hélas.

Stark
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Re: Un témoin dans la ville - Edouard Molinaro - 1959

Message par Stark » 19 févr. 2017, 11:30

oops, La Fille Dans La Vitrine est disponible en dvd en France.

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