Le bistrot du péché - South Sea Sinner - 1950 - Bruce Humberstone

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kiemavel1
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Le bistrot du péché - South Sea Sinner - 1950 - Bruce Humberstone

Message par kiemavel1 » 17 nov. 2019, 18:20

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Un marin connu de ses camarades sous le nom de Smitty et servant sur un navire croisant dans les mers du sud est pris de violentes douleurs au ventre qui sont identifiées par le pharmacien du bord comme les signes d'une appendicite aiguë. Contre sa volonté, il est opéré puis débarqué sur l’île d'Oraca pour qu'il puisse récupérer de l'opération dans l'hôpital de l’île. Cognac, le patron du "Port of Hope", une boite du front de mer croit reconnaître en lui Jake Davis, un homme recherché depuis des années pour avoir durant la guerre détourné des livraisons de caoutchouc de son entreprise pour les revendre aux japonais. Cognac lui rend visite à l'hôpital pour tenter de le démasquer puis, n'ayant pas pu lui arracher le moindre renseignement, il demande à Coral, la séduisante chanteuse de sa boite de le faire parler …
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Frank Lovejoy, épisode 4 : (mais il ne tient ici que le second rôle masculin, derrière Carey, dans ce qui était son premier film noir -teinté d'aventures- et plus globalement seulement son 3ème film pour le cinéma)

Le bistrot du péché est un remake de La maison des 7 péchés de Tay Garnett (1940). Le budget n'était sans doute pas comparable à celui de la version initiale mais la production avait quand même pu avoir : 5 m3 de sable, un lot de chemises Hawaïennes, quelques palmiers en plastique, une corbeille avec 3 papayes et 2 mangues (pour la touche d'exotisme) … et tourne ma poule. Un critique de l'époque avait écrit que le film était "aussi exotique qu'une buvette au toit de paille sur le bord d'une route". Pas faux. C'est moins le manque de dépaysement que les idées des scénaristes qui ont entraîné cette histoire vers une profonde mélancolie qui baigne le film au moins dans sa première partie. Smitty/Jake (Macdonald Carey) est un homme démoli qui passe à coté de sa vie. Rongé par les accusations qu'il a subi, il a du changer d'identité, de métier, et s'est terré dans les cales d'un navire marchand où il est tombé suffisamment bas pour refuser d'être soigné lorsqu'il se retrouve le ventre en feu. Par accident et contre sa volonté, il échoue sur une ile fréquentée par d'autres épaves. C'est l'une d'elle qui va lui faire amorcer sa remontée.
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Coral (Shelley Winters) semble elle aussi revenue de tout, à une différence près c'est qu'elle n'est partie de rien. Même à Oraca, pourtant un bout du monde où on ne semble pas trop regardant, on ne veut plus d'elle puisque les autorités veulent l'expulser. Elle ne peut compter que sur Cognac (Luther Adler), l'aimable propriétaire du bar/cabaret/bordel (mais ce n'est pas dit comme ça) le plus, et le plus mal fréquenté. Difficile d'échapper aux griffes de ce manipulateur /maitre chanteur / calculateur qui possède une certaine emprise sur Coral. Pourtant, au clair de lune, elle raconte l'histoire de sa vie au fugitif recherché par la police et ils finissent par se faire le coup du : partons-d'ici-tous-les-deux, sans trop y croire. 1ère étape : l'honneur retrouvé. Jake Davis est-il coupable ? Il affirme ne pas l'être mais ne pas pouvoir apporter la preuve de son innocence … et c'est Coral qui le sort de sa torpeur et l'incite à se battre pour faire éclater la vérité. Qui va emporter la course entre Cognac et Coral ? A vrai dire, on s'en moque un peu.
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Car Macdonald Carey, victime trop molle des événements, ne vend pas très bien sa cause (il a bien une raison secrète mais quand même ....) et Luther Adler est un méchant un peu trop croquignolesque. Même si on sent bien que la veine parodique - au demeurant très plaisante - notamment amenée par Adler est volontaire, elle altère l'intérêt pour l'intrigue "criminelle" proprement dite. Elle se poursuit néanmoins et s’enrichit heureusement avec l'arrivée sur l’Île des témoins américains du passé de Jake conviés par ce bon Cognac. C'est donc lui qui va aider le fugitif en croyant le piéger ... tout en se compliquant lui-même la vie. Au policier et aux cadres de l'entreprise spécialisée dans le commerce de caoutchouc qui employait Jake pendant le guerre, s'est joint "la fille surgie du passé", l'ancienne fiancée. Le soucis c'est que Coral n'a pas requinqué un homme déglingué pour qu'une autre en profite mais évidemment on comprend que - dans l'esprit de Jake - "la prostituée au grand cœur qui l'a sorti du pétrin" est concurrencée par "la sainte fille de retour du vieux pays".
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Mais en réalité, les tourments amoureux ne touchent pas que ces trois là. Car tous les hommes en pincent pour Coral. Évidemment Cognac - qui va bien s'accrocher mais les méthodes employées sont celles des désespérés et elles ne sont pas les plus séduisantes - et surtout Doc (Frank Lovejoy), le pharmacien qui faisait office de médecin du bord qui démissionne de son poste pour rester sur l’île. On le découvre sur un mode presque burlesque ; s'aidant du "manuel du chirurgien amateur" avant d'opérer Jake, puis le whisky ne suffisant manifestement pas à calmer son patient agité, il l'anesthésie de manière radicale en lui assénant une bonne patate dans sa face. La suite de la prestation de l'excellent Lovejoy est plus riche. Il est à la fois le bon copain porté sur la bouteille, jovial et bagarreur, mais il est évident qu'il en pince pour Coral et il ne va pas supporter qu'elle en bave à cause de Jake. Le rôle de la rivale de Coral est tenu par la très belle madone qu'était Helena Carter qui a eu une toute petite carrière (13 films). Sa beauté classique illumine encore une fois l'écran mais elle est éclipsée par l'extraordinaire présence de sa rivale.
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Car le clou du spectacle, c'est la prestation d'une sublime Shelley Winters qui justifie à elle seule le "visionnage". Je crois ne l'avoir jamais vu offrir une performance aussi complète. Elle geint, évidemment, et implore mais elle est aussi : drôle (elle a plus d'une réplique qui font mouche), séduisante et sexy. Elle chante (doublée) et danse 4 numéros complets plus quelques courtes redites. Elle ondule et roule des hanches dans une robe fendue accompagnée par un orchestre ou parfois seulement soutenue par le piano d'un interprète dont c'était la première apparition à l'écran : Liberace. 'Maetro' est lui aussi venu s'enterrer là pour une raison inconnue mais grave alors qu'il fut un concertiste de renom (s'il a du fuir un scandale, ça ne m'étonnerait pas que ce soit pour exhibitionnisme ou pour avoir voulu séduire un torero). C'est un prétexte pour offrir au pianiste l'occasion de s'illustrer et il en profite bien car il n'y a pas beaucoup de films du genre dans lequel la musique occupe une telle place. Par moments la performance est bluffante - en précisant bien que je ne l'avais jamais entendu jouer - le phénomène ne m'étant connu que pour le coté exubérant tout en paillettes, en cape et en traîne (à coté, le Elton John de la grande époque, c'était un prêtre traditionaliste). Il joue et parfois adapte Liszt (concerto), Beethoven et surtout Chopin, des préludes et des valses, au moins un numéro étant visiblement un prétexte pour monter la virtuosité du pianiste : le récital donné lors d'une grande réception mondaine pour laquelle 'Maestro' retrouve provisoirement le prestige perdu en même temps que la défroque du concertiste qu'il fut.
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La note sur IMDB est basse mais Jean Tulard, François Truffaut et Bertrand Tavernier (cherchez l'intrus ) ont dit du bien du film. Dans 50 ans de cinéma américain, le dernier avance que ce film est un des meilleurs de son réalisateur. Un peu court .. mais juste. Vraiment très sympa et chaudement recommandé. Le film 60/100 + 15 pour Shelley Winters = 75/100. Vu en vost (diffusé à la télévision chez nous, mais pas hier)

Réalisation : H. Bruce Humberstone / Production : Michael Kraike pour Universal / Scénario : Joel Malone et Oscar Brodney d'après une histoire de Ladislas Fodor et Laszlo Vadnay / Photographie : Maury Gertsman / Musique : Walter Scharf

avec Macdonald Carey (Jake Davis/Smitty), Shelley Winters (Coral), Luther Adler (Cognac), Frank Lovejoy (Doc), Helena carter (Margaret Landis), Art Smith (Grayson), John Ridgely (Williams)

Les autres films noirs avec Frank Lovejoy
Finger Man de Harold Schuster viewtopic.php?f=2&t=11654#p36856
The Crooked Web de Nathan Juran viewtopic.php?f=2&t=10624#p33511
Shack Out on 101 de Edward Dein viewtopic.php?f=2&t=11726#p37193

kiemavel1
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Re: Le bistrot du péché - South Sea Sinner - 1950 - Bruce Humberstone

Message par kiemavel1 » 17 nov. 2019, 18:34

Les deux héroïnes :
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chip
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Re: Le bistrot du péché - South Sea Sinner - 1950 - Bruce Humberstone

Message par chip » 18 nov. 2019, 09:19

Je n'ai jamais trouvé Shelley Winters sexy, horripilante souvent ( night of the hunter, Winchester 73, odds against tomorrow, a place in the sun, he ran all the way) mais c'est peut-être dû aux rôles qu'on lui fait jouer. N'ayant jamais fréquenté ce " bistrot du péché ", je veux bien croire qu'ici, elle soit plus "séduisante" , mais bon , à côté d' Helena Carter, j'ai des doutes...

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Re: Le bistrot du péché - South Sea Sinner - 1950 - Bruce Humberstone

Message par kiemavel1 » 18 nov. 2019, 10:42

Si tu ne l'aimes pas à ce point là, tu ne l'aimerais probablement pas plus ici. Je ne suis pas plus surpris que ça par ton aversion pour Shelley Winters, même si tu sembles surtout ne pas aimer le type de rôle qu'on lui a offert dans ses films les plus célèbres. Autant parfois, on peut ne pas comprendre ce sur quoi se fonde les admirations ou les rejets (la beauté, la notion de charme étant totalement subjective), autant avec elle, de par son physique et ses expressions ou ce sur quoi repose son jeu, je peux tout à fait comprendre qu'on ne l'aime pas.
Je sais qu'elle a de grands détracteurs et de grands admirateurs. Moi je l'adore … et je n'aime pas trop d'autres actrices du cycle noir, trop voyantes mais d'une autre manière, la plus connue étant Ava Gardner :?

J'adore aussi Helena Carter mais j'admire surtout sa beauté classique, la douceur et la sérénité qu'elle transmet de par sa présence mais en tant qu'actrice, je trouve qu 'elle est loin de valoir Shelley WInters mais c'est une actrice très méconnue (du grand public, pas des cinéphiles) que je ne manque jamais d'essayer de faire remarquer. Une lubie parmi d'autres :wink:

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chip
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Re: Le bistrot du péché - South Sea Sinner - 1950 - Bruce Humberstone

Message par chip » 18 nov. 2019, 13:22

Ok ! je n'ai jamais dit que Shelley Winters n'était pas une bonne actrice... simplement, physiquement, je lui trouve guère de charme, mais comme je l'ai dit, la plupart de ses rôles sont loin de lui offrir une image glamour... pourtant dans la vie , je crois que Shelley avait une grande attraction pour la gent masculine, Sinatra ayant même déclaré, qu'il devait être le seul de ses partenaires avec qui elle n'avait pas " couché ".
Dans le genre NOIR, à mon avis, aucune actrice n'a dégagé plus de sensualité que Gloria Grahame et Barbara Stanwyck. Ava Gardner tant adulée, m'a toujours laissé de marbre.

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Re: Le bistrot du péché - South Sea Sinner - 1950 - Bruce Humberstone

Message par kiemavel1 » 18 nov. 2019, 18:17

chip a écrit : 18 nov. 2019, 13:22 Ok ! je n'ai jamais dit que Shelley Winters n'était pas une bonne actrice... simplement, physiquement, je lui trouve guère de charme, mais comme je l'ai dit, la plupart de ses rôles sont loin de lui offrir une image glamour... pourtant dans la vie , je crois que Shelley avait une grande attraction pour la gent masculine, Sinatra ayant même déclaré, qu'il devait être le seul de ses partenaires avec qui elle n'avait pas " couché ".
Dans le genre NOIR, à mon avis, aucune actrice n'a dégagé plus de sensualité que Gloria Grahame et Barbara Stanwyck. Ava Gardner tant adulée, m'a toujours laissé de marbre.
Ah moi je la trouve vraiment désirable mais ça ne repose pas toujours sur des critères objectifs de beauté car c'est vrai qu'elle n'avait pas une beauté classique (par comparaison avec sa partenaire dans le film présenté ici).

Même avis sur Ava Gardner ...
Pour ce qui est des plus sensuelles actrices du genre, oui, Gloria Grahame, difficilement égalable, Barbara Stanwyck, oui, et j'ajouterais Gene Simmons, Joan Bennett, Jane Greer, Joanne Dru, Virginia Mayo … moins connues : Helen Walker, Andrea King, Kristine Miller, Barbara Hale ...

Après, parmi celles qui jouent vraiment la carte du glamour, certaines me laissent plus ou moins de marbre : Ava Gardner, Linda Darnell, Kim Novak, Jane Russell ...

Sinon, mes préférées tout court, sans ordre : Gene Tierney, Barbara Stanwyck, Gloria Grahame … Après, pas forcément les plus sensuelles mais j'ai un gros faible pour : Gail Russell, Teresa Wright, Ida Lupino, Cathy O'donnell, Ella Raines … et pour quelques plus obscures que j'aime énormément : Nancy Guild, Joan Dixon, Audrey Long, Faye Marlowe, Belita …

Pour m'en tenir au Film noir, parce que sinon, on en finirait pas :mrgreen:

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Re: Le bistrot du péché - South Sea Sinner - 1950 - Bruce Humberstone

Message par chip » 19 nov. 2019, 09:21

Même avis pour la délicate Jane Greer rayonnante de beauté dans " Run for the sun" (la course au soleil) - beau dvd Sidonis - et le méconnu " Station west "(la cité de la peur). Sinon tout en haut, pour moi, Janet Leigh, puis Lola Albright et la délicieuse Colleen Miller, et bien sûr Marlene Dietrich icone parfaite de la star, plus proche de nous Danielle Darrieux et la discrète Aurore Clément. Liste non exhaustive, of course....

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Re: Le bistrot du péché - South Sea Sinner - 1950 - Bruce Humberstone

Message par kiemavel1 » 22 nov. 2019, 01:29

Janet Leigh, oui, et en plus elle était très brillante. J'ai vu plusieurs émissions de TV où elle se montrait très intelligente et cultivé, y compris dans les jeux type " What's my line ? " dont on peut voir des videos sur youtube

Lola Albright, cela fait des années que tu en parles et je n'ai toujours pas vu le film que tu as cité bien des fois : A Cold Wind in August :oops:

Chez nous, j'ai déjà remarqué qu'on en a en commun. J'adore Danielle Darrieux et Aurore Clément, la délicate Aurore Clément devrais-je dire … J'ajoute Delphine Seyrig ou Claude Jade

Après, dans le genre gouailleuse, je ne résiste pas à Suzy (Delair) mais là je saute du coq à l'âne :wink:

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Re: Le bistrot du péché - South Sea Sinner - 1950 - Bruce Humberstone

Message par chip » 22 nov. 2019, 08:20

Delphine Seyrig ? oui ! je l'ai vue en 1970 sur scène, dans une pièce de Pinter " C'était hier ", avec Françoise Fabian et Jean Rochefort, beau casting. Nous étions 6 à l 'attendre à la sortie du théâtre, elle sortie avec une amie, en jeans et pull à col roulé, tenant son solex à la main, et nous avons discuté un bon 1/4 h avec elle, très simple, et moins glamour que sur scène, un moment inoubliable pour moi....souvent quand je vais à Paris, je passe au cimetière Montparnasse déposer quelques roses blanches( elle aimait le blanc) sur sa tombe. Revu Françoise Fabian des années après, elle était venue faire une lecture à Clermont, je lui ai rappelé la pièce de Pinter, et elle m'a avoué qu'elle avait adoré la jouer ...
En ce qui concerne Lola Albright, on peut voir de larges extraits de " A cold Wind in August " sur Youtube et le dvd zone 1, sans s/t, est de qualité, tout comme les zones 2 de " Les félins " et " un direct au cœur " ( Kid Galahad) où elle est vraiment très, très, belle, , dommage que l'agent de Presley, le fameux " colonel" Parker est fait supprimer les chansons qu'elle interprétait, pas d'ombre pour son poulain...

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