La Bataille de Marathon (La Battaglia di Maratona) 1959

Titre Américain : The Giant of Marathon
Pays : Italie, France (1H30) Couleurs
Réalisateur : Jacques Tourneur
Acteurs : Steve Reeves, Mylène Demongeot, Sergio Fantoni, Daniela Rocca, Philippe Hersent, Alberto Lupo, Daniele Vargas, Ivo Garrani, Gian Paolo Rosmino, Miranda Campa, Franco Fantasia, Ignazio Balsamo, Anita Todesco, Gianni Loti, Sergio Ciani
Producteur : Bruno Vailati
Scénaristes : Ennio De Concini, Augusto Frassinetti et Bruno Vailati, d'après une idée d'lberto Barsanti et Raffaello Pacini
Directeur de la photographie : Mario Bava
Composition musicale : Roberto Nicolosi
Montage : Mario Serandrei
Décors : Aleksandar Milovic, Marcello del Prato, Massimo Tavazzi
Thème : Grèce antique
Studio : Titanus

Genre complémentaire : Péplum
Résumé : Revenu vainqueur des jeux olympiques, Philippidès se voit nommé chef de la Garde Sacrée Athénienne. Il s'éprend d'Andromède, la fille d'un dignitaire athénien. Mais, celle-ci doit épouser Théocrite, aristocrate ambitieux qui complote pour faire revenir au pouvoir le tyran Hyppias réfugié chez Darius, roi des Perses...
Lieu de tournage : Titanus Studios, Rome, Italie, Centralni Filmski Studio Kosutnjak, Belgrade, Yougoslavie

Informations complémentaires : Sortie Italie : 03/12/1959 - Sortie France : 09/09/1960

Format : 2.35 : 1
Eastmancolor
Mono

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Tourneur bava mais Bava tourna

Posté par pak le 3/12/2017
Lorsque Mervyn LeRoy s'en va tourner Quo vadis en 1949 sur les lieux de l'histoire, en Italie donc, à Rome dans les studios de Cinecittà (relativement jeunes puisqu'inaugurés en 1937), il va générer deux choses : une renaissance du péplum dans lequel vont s’engouffrer les italiens jusqu'à plus soif avant de se jeter sur le western, et une sorte d'émigration économique ponctuelle d'une partie d'Hollywood puisque dans ces quelques années après la fin de la seconde mondiale qui a vu l'effondrement du fascisme, la main-d'œuvre locale (artistique et technique) et les coûts de tournage sont beaucoup moins onéreux qu'aux États-Unis, phénomène qui va connaître son apogée au milieu des années 1960.

Comme beaucoup de ses petits camarades, Jacques Tourneur va donc traverser l'Atlantique pour glaner quelques sous en Italie, dans les studios de la Titanus. Pas très longtemps en fait puisqu'il signera un contrat de dix semaines (ou huit selon les sources) de tournage pour mettre en boite La Bataille de Marathon. Comme on peut le lire par ailleurs, ces dix semaines ne suffiront pas à boucler entièrement le film, et il est couramment admis que Tourneur tourna l'essentiel des scènes de dialogues, celles d'action ayant été mises en boite par le producteur du film Bruno Vailati qui réalisa lui-même les scènes de la course et de la bataille navale, et par le chef opérateur pour les scènes sous-marines, un certain Mario Bava, qui avait déjà joué la roue de secours par exemple sur l'Ulysse de Mario Camerini avec Kirk Douglas en 1953, ou sur Les Vampires (I Vampiri) en 1956 lorsque Riccardo Freda quitta le tournage. Jacques Tourneur était un touche-à-tout qui avait brillé dans divers genres aussi différents que le fantastique (La Féline), le western (Le Passage du canyon), le film noir (La Griffe du passé), l'espionnage (Berlin Express), ou l'aventure (La Flèche et le flambeau). Il paraissait donc tout indiqué pour filmer un beau péplum, d'autant que, comme déjà dit, Quo vadis, qui connut un succès aussi bien publique que critique (huit nominations aux Oscar), lança la mode du péplum qui va devenir quasiment un passage obligé pour les réalisateurs américains : Henry King, Delmer Daves, King Vidor, Michael Curtiz, William Dieterle, Howard Hawks, Cecil B. DeMille (bon lui ce n'est pas une surprise), Douglas Sirk, Joseph L. Mankiewicz, Robert Rossen, William Wyler dans les années 1950, et ça continuera un peu au début des années 1960 avec Richard Fleischer, André de Toth, Rudolph Maté, Nicholas Ray, Robert Aldrich, Stanley Kubrick, Anthony Mann, George Stevens, John Huston... Quand on voit la liste des noms, on peut se dire qu'il n'était pas aberrant de voir Tourneur s'atteler au péplum, et que ce n'était pas ridicule à l'époque d'y consacrer une partie de sa carrière. Ce serait Steve Reeves lui-même qui aurait réclamé Tourneur, au sortir des deux Hercules qu'il tourna successivement, Les Travaux d'Hercule et Hercule et la reine de Lydie. Il aurait déclaré qu'il avait l'air bête avec un réalisateur italien dont il ne comprenait pas un mot. Ayant aimé Burt Lancaster dans La Flèche et le flambeau, il aurait alors réclamé son auteur. C'est ainsi que les producteurs de La Bataille de Marathon auraient envoyé le scénario à Tourneur.

Mais parlons d'abord du contexte historique. Car avant de partir de plus en plus en cacahuète avec le temps, le péplum à l'européenne s'est parfois inspiré d’événements réels de l'antiquité. Ici, il est question d'un tournant de la première guerre médique (non, il ne manque pas un r dans le mot, même si oui, la guerre c'est merdique ! ) en 490 avant Jésus-Christ, opposant grecs et perses. L'Ionie était une fédération d'une douzaine de cités grecques sur la côte Est de la mer Égée, appartenant à ce qu'on a appelé la Grèce d'Asie. L'Ionie est sous domination perse depuis environ 547 avant Jésus-Christ, le roi perse Cyrus II ayant assujetti cette partie de l'Asie. Comme toutes les cités absorbées par l'empire, la région doit payer de forts impôts à son dominateur. Situation qui va empirer avec l'ascension au trône perse de Darius 1er, qui a des vues expansionnistes encore plus grandes que ses prédécesseurs. Sentant sa prospérité de plus en plus menacée, l'Ionie va se rebeller en 499. Une rébellion que Darius va mettre six ans à mater, mais surtout, il ne va pas digérer que la Grèce continentale, notamment Athènes, ait aidé militairement les révoltés. Le perse va donc décider d'attaquer cette Grèce afin de la soumettre en représailles au même régime que ses autres provinces annexées. Cette agression est le départ de la première guerre médique. Après un faux départ en 492 du fait de fortes tempêtes, l'armée perse devant traverser la mer Égée, celle-ci, forte de 25 000 hommes et de plus de 200 navires, atteint les côtes grecques en 490. Une telle armée, pour l'époque, est exceptionnelle. Les premières villes rencontrées sont ravagées, et leur population déportée. Mais le gros morceau à prendre est Athènes. Les perses décident d'attaquer la cité sur deux fronts, l'un arrivant par les terres, l'autre venant de la mer. Ainsi, le 12 septembre 490, à une quarantaine de kilomètres d'Athènes, une partie de l'armée perse débarque. Cette plage longue de quatre kilomètres longe la plaine de Marathon. Voilà, on y est. La fameuse bataille s'y déroulera cinq jours plus tard.

Cette bataille est un événement majeur de cette guerre, puisqu'elle conduira les perses défaits à rembarquer et à renoncer, un temps, à l'invasion du pays. Ceci dit la Perse a désormais la main-mise sur la mer Égée. Et ce n'est que partie remise puisque Xerxès, qui a succédé à son père Darius, décide dix ans plus tard d'envahir la Grèce à son tour, et ce sera la seconde guerre médique, dont l'un des symboles est la non moins fameuse bataille des Thermopyles avec les 300 spartiates de Léonidas, mais ceci est une autre histoire qui fera l'objet d'un autre péplum en 1962, La Bataille des Thermopyles (The 300 Spartans) réalisé par Rudolf Maté, et d'une adaptation plus récente, 300 de Zack Snyder (2006). La bataille de Marathon est bien-sûr aussi à l'origine d'une des légendes les plus connues de l'antiquité grecque, légende qui sera elle à l'origine d'une des épreuves sportives actuelles des plus difficiles, le marathon, donc, puisque la distance de l'épreuve est inspirée par celle parcourue par le messager entre Marathon et Athènes pour annoncer la victoire sur les perses. En fait il existe deux principales versions de cette légendaire course antique, qui ont chacune des variations. La plus connue est effectivement celle du messager envoyé à Athènes pour prévenir de la victoire, celui-ci l'ayant parcouru en courant, et qui, à bout de souffle, s’effondre mort une fois la bonne nouvelle annoncée. L'autre, d'après Hérodote, plus pragmatique et moins glorieuse, serait liée à la course de Phidippidès (avec un d, alors que le héros du film c'est Philippidès : oui les scénaristes ont lu Hérodote ! ), un messager envoyé par Athènes à Spartes pour les prévenir du débarquement des perses, se fadant ainsi dans les 240 kilomètres en 36 heures (spartiates qui arriveront à Marathon une fois la victoire consommée). Mais l'Histoire ne retiendra que la première version, tellement plus belle et édifiante. Et donc elle servira de référence pour l'épreuve d’athlétisme, créée à l'occasion des premiers Jeux olympiques de 1896 à Athènes, car on était alors dans le symbole.

Pour en revenir au film, on constate que vis-à-vis de la fameuse course, les scénaristes ont grossièrement mélangé les deux versions, tout comme ils ont mixé les péripéties de cette bataille pour construire leur histoire, bien loin de la réalité, du moins de ce qu'on en sait. Bref, ce qu'on voit à l'écran est hautement fantaisiste, comme souvent d'ailleurs dans le péplum à l'italienne non inspiré de la mythologie. Mais on s'en fiche de la réalité historique me direz-vous ? Et vous avez sans doute raison. D'ailleurs, elle se situe où cette réalité puisque ce que les historiens connaissent de ces événements est issu d'écrits d'auteurs qui n'ont pas vécu ceux-ci. Principalement Hérodote, né en 480 avant Jésus-Christ, soit l'année de la deuxième guerre médique, et Plutarque, qui lui est né vers 46... Comme en plus ils sont grecs, il y a de fortes chances que leurs visions aient été quelque peu enjolivées. Alors donc, d'un péplum, on attend surtout action, aventure et batailles. Sur ces aspects là, le film de Tourneur surprend...

En effet, durant plus du tiers du film, il ne se passe rien d'autre que du marivaudage, assez niais de surcroît. On assiste, assez médusé, à une ronde des sentiments avec qui-propos, malentendus, jalousie, sentiments non partagés et frustrations dignes d'un cahier des charges d'un quelconque mélo ou d'un soap opera genre Amour, gloire et beauté, mais en jupette et slip kangourou... Ainsi ce balourd de Philippidès (le culturiste Steve Reeves, au jeu pas très costaud) est attiré par une jolie Andromède (charmante Mylène Demongeot, coproduction franco-italienne oblige, qui n'avait alors rien à envier à Brigitte Bardot, même dans le jeu faux, et sur le point de devenir une star en Italie grâce à ce film, pays dans lequel elle enchaînera les tournages jusqu'en 1963), une Andromède toutefois promise à un type antipathique, mais qui donne tout de même un rendez-vous nocturne au musclé héros qui lui pose un lapin car il est occupé par ailleurs avec une autre dame chargée de le séduire pour le détourner d'Andromède, mais le vaillant repousse courageusement l'intrigante pour retrouver cette dernière, mais lorsqu'il s'aperçoit qu'elle est déjà fiancée, il retourne dans les bras de la séductrice tout en précisant bien son manque de sentiments pour elle (en gros il se rabat sur un plan cul ! )... Oh là là... Saluons quand même la belle idée d'opposition des genres, la belle ingénue, blonde, la femme dans la lumière, celle du jour, et a contrario la brune, la manipulatrice, la femme de la nuit qu'un destin funeste attend dans l'ombre. Mais on se demande pourquoi les auteurs perdent leur temps à nous infliger ces intrigues d'amourettes plutôt que de nous expliquer le contexte politique de l'époque, les tensions entre la Grèce et l'empire perse, l'ambition de Darius 1er, ici simple troisième rôle et sans ampleur alors qu'il règne sur une partie non négligeable de la planète (en gros tout le Moyen-Orient, de la mer Égée à l'Inde, de l'Égypte à l'Afghanistan). Mais non, rien, à peine quelques allusions évasives...

Heureusement, les perses ont la bonne idée de débarquer et enfin, il y a un peu d'action ! Oh de l'action à l'ancienne, avec certes un nombre impressionnant de figurants, mais qui se battent mollement et sans conviction, certains ne semblant même ne pas avoir entendu le fameux "Moteur ! ", ou même l'avoir compris, les extérieurs ayant été tournés en Yougoslavie avec des locaux. Pendant la célèbre bataille, on voit Philippidès balancer des gros rochers fleurant bon le carton-pâte qui rebondissent sur les corps plutôt que de les écraser. Une bataille poussiéreuse, non pas du fait du terrain, mais parce datant d'un autre âge, filmée d'une caméra mollement menée et souffrant d'un montage bâclé. C'est pourtant sensé être la bataille de Marathon, donc le tournant dans la conquête perse.

On aura droit bien-sûr à la fameuse course de Philippidès, filmée par le producteur Bruno Vailati, elle aussi sans force ni lyrisme, avec un festival de grimaces du héros souffrant dans l'effort, parti, non pas annoncer la victoire comme dans la légende, mais pour prévenir Athènes d'une attaque, tandis que l'armée grecque reste à Marathon pour contenir l'ennemi déjà débarqué. La course du héros, même si ici elle ne correspond pas aux écrits narrant les événements, aurait dû être le moment fort du film. Après tout, cette légende est mondialement connue et a marqué au point d'avoir eu des réminiscences jusque dans le monde moderne. Et pourtant aucun effort n'est fait pour magnifier ce passage, qui est même caviardé au montage, en alternance avec une scène de trahison et d'enlèvement, comme si finalement, courir 40 kilomètres était une banalité. D'ailleurs ça devait en être une car quelques heures après son arrivée, le héros est frais et dispo pour se taper une bataille navale en partie en apnée ! Bon, donc notre Philippidès court, saute, transpire, court, glisse, souffle et court encore, afin de prévenir Athènes. Quand on connaît les événements, on remarque les libertés prises avec ce qu'on en sait. Pourquoi d'ailleurs, puisque ceux-ci se suffisaient pourtant à eux-mêmes pour écrire un péplum guerrier ? Car en réalité, les grecs ont massacré les perses à Marathon en une seule bataille (Hérodote parle de 6400 perses tués pour seulement environ 200 des siens perdus, une différence sûrement exagérée, mais qui reflète une réalité constatée par les historiens dans les diverses batailles opposant grecs aux peuples d'Asie, qui concédaient un tué pour vingt à trente dans les armées orientales adverses). Le reste de l'armée perse rembarqua pour atteindre Phalère, l'un des ports situés à quelques kilomètres d'Athènes, et attaquer la ville sans défense. Consciente du danger, l'armée grecque renvoie de Marathon une partie de ses troupes vers la cité à marche forcée (les types ont quand mené une bataille quelques heures avant, et là se tapent 40 bornes à pieds avec armes et armures... ). Les grecs arrivent avant les perses qui se rendent compte que le débarquement sera un échec, et abandonnent. Il n'y a donc pas deux batailles comme montré dans le film.

Pourtant, les scénaristes n'ont pas eu leur comptant d'action. Surtout Ennio De Concini a priori, qui va devenir un spécialiste du péplum à l'italienne puisqu'il est associé à certains des plus connus : Ulysse de Mario Camerini dans lequel on notait déjà sa propension à prendre des libertés avec les écrits existants, Les Travaux d'Hercule, Les Derniers Jours de Pompéi, Le Colosse de Rhodes, Les Titans... Il gagnera l'Oscar du meilleur scénario original pour Divorce à l'italienne de Pietro Germi en 1963, et il sera aussi à l'origine de La Bataille de San Sebastian d'Henri Verneuil (et rien que pour ça, on lui pardonne le reste ! ). Bref, nous avons donc droit à une seconde bataille, et là on voit de suite l'imagination débordante des scénaristes de péplums. En effet on assiste avec perplexité aux préparatifs de Philippidès, qui, avec quelques hommes part en barque planter des pieux sous l'eau sur lesquels les navires perses viennent s'empaler. Comment les vigies ne repèrent pas ces types en barque sur une mer plate comme une mare aux canards ? Mystère... S'en suivra une bataille navale qui va se terminer sur terre, autrement plus sauvage que la précédente, et qui se conclue d'ailleurs presque comme celle de Marathon (la vraie).

La nervosité du montage ainsi que la présence de sang (invisible dans la première bataille) semblent confirmer que ces moments furent en partie tournés par Mario Bava. En effet, comme précisé en préambule, Tourneur ne terminera pas le film, officiellement parce que son contrat prenait fin, et qu'il n'a pas été reconduit par le producteur qui voulait faire des économies. Officieusement, le cinéaste avait l'air d'être plus motivé par son chèque (de son propre aveu il s'est fait grassement payer) que par son sujet (ce que confirme Mylène Demongeot dans ses mémoires)... Il est alors au creux de la vague, travaillant pour la télévision, et voit son nom associé à des films qui ne sont que des montages d'épisodes de séries. Quant il part, aucune des scènes d'action n'ont encore été mises en boite, et le budget alloué pas loin d'être épuisé. Ce n'est pas forcément de sa faute, lui qui était habitué à travailler vite, il est surpris par la lenteur des choses en Italie. Du coup on aurait préféré que Bava réalise le film en entier, qui s'en serait probablement trouvé moins bavard et moins propret. Dans un entretien paru dans Libération le 7 mai 1980, Bava affirme carrément que c'est le cas (on a du mal à le croire vu le côté hétéroclite de la mise en scène).

Sans être fulgurant, le succès attend la sortie du film. Étrangement, aussi aux États-Unis, où, distribué par la MGM qui le double en anglais, il sort sous le titre The Giant of Marathon à Los Angeles le 20 mai 1960 et à New York le 25 mai 1960 (il est troisième du box-office le jour de sa sortie), finissant sa carrière en salles avec, si on cumule les entrées Canada, 1 335 000 dollars de recettes. On est loin du carton du Spartacus de Kubrick sorti la même année (numéro deux avec plus de dix millions de dollars de recettes), mais Steve Reeves atteint le statut de star avec ce film et aussi avec Hercule et la reine de Lydie qui, lui, rapporte 2,5 millions. Cela confirme aussi l'engouement du public américain pour le péplum en cette fin d'année 1959 – début 1960. Steve Reeves sera le premier culturiste à s'imposer à l'écran, suffisamment pour taper dans l’œil d'un jeune autrichien qui admire ses films en salles, un certain Arnold Schwarzenegger. En France le film finit 34ème du box-office 1960, avec tout de même un peu plus de 1,9 million d'entrées, loin derrière le colossal succès du Ben Hur de William Wyler et ses quasi 14 millions d'entrées cette année-là, mais là aussi, cela confirme le goût du public pour le péplum puisque Les Derniers Jours de Pompéi, Salammbô ainsi que David et Goliath font d'honnêtes scores similaires à La Bataille de Marathon. En Italie, le succès du film motivera les producteurs de la Galatea, coproductrice du film, à confier dans la foulée de la sortie du film un premier projet à Mario Bava qui a en quelque sorte sauvé les meubles (à peine deux semaines avant la première italienne, il doit reprendre des scènes d'extérieurs parce que plusieurs figurants apparaissaient en train de fumer des cigarettes devant la caméra) : ce sera Le Masque du démon (La Maschera del demonio), devenu culte.

Un succès finalement surprenant tant le film est déséquilibré, avec une première partie pour midinettes, et une seconde nettement plus guerrière. Déséquilibré aussi avec deux batailles visiblement tournées par deux personnes différentes, l'une paresseuse, l'autre sauvage et sanglante. Peut-être le film a-t-il séduit par l'utilisation de ses moyens, visibles à l'écran, et ses quelques scènes spectaculaires : la bataille navale, les chars basculant dans des fosses et les cavaliers lançant leur animal sur un mur de boucliers et de lances (on a du mal à croire qu'aucun cheval n'ait été blessé, ces scènes sont incroyables). Il y a aussi quelques jolis plans, parfois très brefs, comme ceux montrant Philippidès labourant son champs, futur guerrier travaillant sa terre (j'ose à peine évoquer la scène similaire dans le Sergent York d'Howard Hawks), qu'on doit vraisemblablement à Tourneur, mais avec les différents intervenants derrière la caméra, on n'est plus sûr de rien. Reste la belle photographie générale (sauf les scènes de nuit).

Le péplum européen ne sera de toutes manières jamais une référence historique. Présenté à la télévision le 28 août 1968 lors de l’émission "Les Dossiers de l'écran", il se fait démonter au cours du débat qui suivit sa projection par les historiens présents (des spécialistes de la Grèce antique comme Jacqueline de Romilly et Jacques Tréheux, ainsi que le grec Costa de Loverdo). Les auteurs du film font bien plus d'efforts pour montrer un érotisme de bon aloi, dévoilant autant que possible les belles jambes de Mylène, le torse musclé de Steve, et un maximum de corps partiellement dénudés, sans que jamais on ne parle de sexe, mais en émoustillant les rétines de tous les spectateurs, mâles comme femelles, du moins ceux de l'époque... Même cela a bien (m'enfn mal) vieilli, le péplum des années 1950-60 étant un genre vieillissant de toutes manières très mal... D'autant que depuis, des films comme Troie ou Gladiator, voire même le remake et bruyant Le Choc des titans, ont donné un sacré coup de vieux à ces productions qui répondaient à un effet de mode dans une époque où les gens allaient encore en masse dans les salles et qu'il fallait alimenter de films spectaculaires.

Laissons le mot de la fin à Mylène Demongeot, lucide et pleine d'humour : "Pour refuser avec politesse ce film que je n’avais aucune intention de faire, j’ai lancé un prix que je pensais extravagant et, à mon grand étonnement, les producteurs ont accepté ! Bon. Je l’ai fait. Je ne regrette rien. Je me suis bien amusée en jeune vierge amoureuse de Steve Reeves qui était beau et gentil. Je n’avais jamais travaillé auparavant avec un culturiste. Il lui fallait cinq minutes de "gonflette" avant chaque plan et il était tellement imbibé d’huile pour faire briller ses muscles impressionnants que dès qu’il me touchait, mes belles tuniques étaient toutes poisseuses, et dès qu’il me prenait dans ses bras je lui échappais telle une anguille. Il m’est même arrivé une fois de tomber par terre. Et je me souviens aussi du réalisateur qui, de la plage, me hurlait dans son porte-voix alors que j’étais attachée sans défense à la proue du navire qui se dirigeait vers les ennemis prêts à nous pourfendre : "Please, Mylène, please... Be sexy ! "… Perplexe mais pleine de bonne volonté, ne sachant comment lui faire plaisir, je me tortillais tout en me sentant ridicule et en réprimant une forte envie de rire".

Mise-en-scène : 6/10
Acteurs : 4/10
Histoire / Scénario : 4/10
Réflexion sur la condition humaine : 5/10
Spectacle offert : 6/10
Note générale : 5 /10







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