Commando sur le Yang Tsé (Yangtse Incident : The Story of H.M.S. Amethyst) 1957

Titre Américain : Battle Hell
Année de production : 1956
Pays : Grande-Bretagne (1H53)
Réalisateur : Michael Anderson
Acteurs : Richard Todd, William Hartnell, Akim Tamiroff, Donald Houston, Keye Luke, Sophie Stewart, Robert Urquhart, James Kenney, Richard Leech, Michael Brill, Barry Foster, Thomas Heathcote, Sam Kydd, Ewen Solon, Brian Smith
Producteur : Herbert Wilcox
Scénaristes : Franklin Gollings, Eric Ambler
Directeur de la photographie : Gordon Dines
Composition musicale : Leighton Lucas
Thème : Guerre civile chinoise
Studio : British Lion Film

Genre complémentaire : Historique
Résumé : En 1949, le HMS Amethyst, une frégate britannique, est chargé de rejoindre Nakin par le fleuve Yang-Tsé. Mais bientôt, le navire subit une attaque de l'armée de libération du peuple et s'échoue dans la boue du fleuve. Des tentatives de secours et des négociations avec les autorités chinoises sont alors lancées...
Lieu de tournage : Associated British Elstree Studios, Borehamwood, Angleterre, comté de Suffolk, Angleterre

Informations complémentaires : D'après le livre de Lawrence Earl (Yangtse Incident, 1950)

En compétition pour la palme d'or au festival de Cannes 1957


Sortie Grande-Bretagne : 02/04/1957 - Sortie France : 09/07/1958

Format : 1.66 : 1
Noir et Blanc
Mono (RCA Sound Recording)

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Les critiques

Faute de casting

Posté par pak le 3/12/2017
Le film est tiré d'un fait de guerre réel, ou du moins d'un incident guerrier, celui impliquant une frégate de la marine britannique, l'HMS Amethys, échouée sous la gueule de canons inamicaux. C'est d'ailleurs précisé dès la première image du film, avec un texte défilant sur fond de drapeau de la couronne, un étendard sali, troué et déchiré, flottant malgré tout au vent. Une manière de prévenir que le combat qui va être décrit aura été difficile et dramatique, mais que malgré les pertes, la victoire fut acquise par la fière et réputée marine anglaise. Le film se veut une évocation rigoureuse des faits, même si le texte prévient toutefois de quelques omissions volontaires, effectuées pour satisfaire les contraintes d'une durée d'un long-métrage, apparemment imposée. Pourtant, quand on lit le compte-rendu historique de l'évènement en parallèle de la vision du film, il apparaît qu'en plus des omissions, il y a eu des simplifications avec une certaine tendance à enjoliver certains moments, notamment à la fin. Ceci dit, si un film devait coller strictement à la réalité, alors ce serait plus un documentaire qu'une œuvre cinématographique, plus didactique que vraiment passionnant. On n'en est toutefois pas très loin, car c'est un livre écrit en 1950 par un journaliste canadien qui a servi de base au scénario, le journaliste ayant compilé les évènements pour en tirer un compte-rendu factuel, et non un récit romancé.

Mais si le film n'est pas totalement passionnant, celui-ci est au moins intéressant. Surprenant même. En effet, alors qu'on s'attend à un énième film de guerre opposant alliés contre japonais si on ne s'est pas renseigné avant sur le contexte historique du récit (et rien dans le début du film le précise), l'ennemi surprend car il est chinois. En fait, l'introduction plonge le spectateur dans l'action sans réel repère, comme si ce dernier connaissait forcément l'histoire adaptée et n'avait nul besoin de précisions. Le film étant sorti en 1957, soit environ huit années après les évènements, on peut effectivement supposer que l'incident était encore dans la mémoire collective. Ce qui est vrai au moins pour le Royaume-Uni, car les trois mois (plus exactement les 101 jours) que vont durer le calvaire du navire et de son équipage vont faire la une de l'actualité locale durant des semaines. Le dénouement sera un événement national pour lequel même le chat du navire sera médaillé ! Il y aura même un modèle réduit en carton produit en Angleterre dès 1949 et produit durant plusieurs années. Le film sera lui aussi accueilli chaleureusement. Car à sa première, on put voir des invités de marque comme l'amiral Arleigh Burke, chef des opérations maritimes américaines sous l'ère Eisenhower (il le sera aussi sous Kennedy), ou le prince Philip, duc d’Édimbourg (et accessoirement le mari de la reine Élisabeth II). Le film fut sélectionné pour représenter le Royaume-Uni au festival de Cannes de 1957, et il terminera quinzième du box-office britannique de la même année. Mais sorti de ce contexte contemporain, vu des décennies plus tard, ce long-métrage devient très évasif de par un manque de repères identifiables, comme le sont la plupart des films en réaction directe avec l'actualité récente précédant leur fabrication. Du coup, le récit n'est pas très clair sur les enjeux militaires engagés et n'insiste pas trop sur la nature du conflit, pourtant original car peu exploité au cinéma. En effet, nous sommes ici à la fin de la guerre civile chinoise, qui suivit la fin du second conflit mondial (en fait une reprise, car elle a débutée en 1927, puis a connu une « pause » forcée le temps de virer les japonais du pays), opposant communistes, alors menés par Mao Tsé-toung, aux nationalistes commandés par Tchang Kaï-chek. Guerre comme on le sait qui verra la victoire des communistes, et qui contraindra les vaincus à l'exil à Taïwan, demeurant depuis une épine démocratique dans le derrière de l'ordre communiste chinois... Mais ceci est une autre histoire... Donc si on n'est pas au fait du contexte, la première partie du film peut porter à confusion.

Mais le film a ses qualités. Comme traditionnellement avec le cinéma britannique, la caméra a un certain regard social, s'intéressant d'emblée de près aux marins, gradés ou non, et en quelques plans nous est montré leur environnement. Le spectateur est donc vite plongé dans un milieu réaliste et cohérent, loin de la reconstitution en studio ou carton-pâte. Île (et empire) oblige, il y a une grande tradition maritime en Grande-Bretagne, qui s'exprime aussi forcément à travers quantité d'oeuvres artistiques (les toiles de Thomas Luny ou William Frederick Mitchell) ou littéraires (les formidables sagas écrites par C. S. Forester ou Patrick O'Brian). Tradition que l'on peut aussi retrouver à travers quelques films comme Above us the waves de Ralph Thomas (1955), La Bataille du Rio de la Plata de Michael Powell et Emeric Pressburger (1956), Coulez le Bismarck ! (1960) et Les Mutinés du Téméraire (1962), tous deux de Lewis Gilbert, Billy Budd de Peter Ustinov (1962)... La royal navy a toujours été ressentie comme une fierté, longtemps considérée comme la meilleure marine du monde. Commando sur le Yang-Tsé s'inscrit dans cette continuité. On sent donc un grand respect dans le regard du réalisateur, tout comme il en avait montré aux aviateurs anglais dans Les Briseurs de barrages deux ans auparavant et qui fut nommé au BAFTA du meilleur film britannique. Mais ce recul a ses limites. Comme le film se veut une reconstitution fidèle, il n'y a pas de place pour les développements humains et psychologiques, aussi les personnages sont peu esquissés et relativement anonymes. On n'est pas dans La Canonnière du Yang-tsé, mais dans la discipline et la rigueur de la marine anglaise, donc pas une tête qui dépasse, pas un rebelle, chaque ordre donné étant exécuté à la lettre. C'est la limite de ce film qui n'incite pas à l'empathie ou une quelconque émotion. Par contre il gagne en efficacité. Car l'action démarre très tôt, dans les cinq minutes après la première image, et durant vingt minutes nous est permis d'assister à une bataille navalo-terrestre des plus réalistes, d'autant que quasi aucune maquette n'est utilisée durant ces moments. En effet, le bateau vu à l'écran est essentiellement le véritable Amethyst, racheté par la production, du moins dans les (nombreuses) scènes où on le voit échoué. Ses moteurs n'étant plus en état de marche, le navire ayant entretemps été réformé, c'est l'un de ses sister-ships qui le double, si j'ose dire, pour les plans de déplacements (et, le 19 janvier 1957, entre la fin du tournage et la première, l'Amethyst serra ferraillé sans considération pour sa petite contribution à la grande Histoire de la navy). Les maquettes, artifices quasi obligatoires pour les films maritimes avant l'arrivée du numérique, seront au bout du compte peu utilisées, et plutôt vers la fin, lors de la reconstitution de l'ultime passe d'arme entre le bateau et une batterie côtière. Michael Anderson, qui avait fait sensation avec le film de guerre aérien déjà cité Les Briseurs de barrages, démontre une belle efficacité dans les phases de combats, ce sont d'ailleurs les meilleurs moments du film, tendus, implacables, incertains, réalistes.

Mais ces combats sont entrecoupés par des scènes représentant les phases de négociations entre les britanniques et les autorités communistes chinoises. Et c'est durant ces moments que le film dévoile sa facette propagandiste, mettant en avant un colonel chinois limite obèse, grimé de manière grotesque, tout étant fait pour lui donner un aspect presque repoussant, forcément fourbe, méprisant, mais assez bête pour être manipulable. Ce colonel est d'autant moins crédible qu'il est interprété par le vétéran Akim Tamiroff, l'acteur d'origine russe abonné depuis les années 1930 aux rôles « exotiques » (il a été russe bien-sûr, mais aussi gitan, mexicain, arabe, italien, chinois, espagnol, etc... ), affreusement maquillé comme dans les pires serials des années 1930-40, et c'est d'autant plus choquant visuellement qu'il est constamment entouré de véritables figurants asiatiques, mettant encore plus en contraste cette supercherie, et on se demande à chacune des apparitions de Tamiroff quelle mouche a bien pu piquer le directeur de casting... Comme en plus il joue assez mal, ses scènes sont difficilement supportées tant le ridicule désamorce suspense et tension. Il est évident que dans ces scènes de négociation, il n'est question que de démontrer la duplicité des communistes, les montrant sous un jour dévalorisant, car en 1957, la guerre froide est alors une réalité depuis une dizaine d'années. Mais cet aspect, plus lié à la réalité géopolitique du moment qu'à celle de l'incident en lui-même est tellement mal géré qu'il semble avoir été ajouté aux forceps dans le scénario original. Heureusement le déroulement réel des faits empêchent de forcer le trait trop longtemps, surtout dans un film qui se revendique fidèle à ceux-ci, et le discours anti-communiste reste au final assez modéré, ce qui distingue ce film britannique de certains de ses équivalents hollywoodiens. Par exemple, il n'est pas fait mention dans le récit que les chaloupes évacuant les blessés du navire immobilisé ont été mitraillées par l'armée chinoise. Le fait de tirer sur des hommes diminués et sans moyens de défense aurait été une occasion d'enfoncer le clou. Quand on compare le film aux faits, il semble que les auteurs aient souhaité tout de même ménager les autorités chinoises, évitant trop de scènes à charge, presque toujours dans cette optique de relater des actions sans prendre parti, comme le ferait un historien. Peut-être était-ce dû au fait que l'empire britannique était encore en possession de Hong Kong et avait des intérêts à préserver en Asie, et aussi que la guerre de Corée, dans laquelle la Grande-Bretagne et la Chine étaient parties prenantes, mais dans des camps opposés, venait de se terminer (en 1953) et qu'il n'était pas utile de provoquer un éventuel incident diplomatique à cause d'un simple film, le but de celui-ci étant visiblement de mettre en valeur les marins anglais, non de dénoncer les agissements passés des militaires chinois pour les projeter sur le présent... ?

Enfin, le souhait de relative exhaustivité quant à la représentation des évènements nous fait régulièrement sortir du navire blessé, les auteurs s'attachant à plusieurs épisodes extérieurs et au suivi de quelque personnages secondaires. Cela brise la narration, car les points de vue s'éparpillent et de ce fait, la tension baisse. C'est le prix à payer à l'authenticité. Dommage, car si la caméra était restée à bord, le film aurait pu devenir un huis-clos maritime tendu et dramatique, et même oppressant, montrant la décomposition lente d'un équipage épuisé et affamé sous la menace constante d'un abordage ou d'un bombardement. Un huis-clos que nous fera vivre quarante-cinq plus tard Wolfgang Petersen avec sa saga sous-marinière Le bateau (Das Boot), devenu la référence en termes de films de guerre maritimes. Commando sur le Yang-Tsé n'en est pas là, même si le début laisse entrevoir ce qu'il aurait pu être avec un peu plus d'ambition artistique et un peu moins de didactisme. Mais c'est un choix assumé, d'aborder les divers aspects mettant en valeur les actions anglaises, de l'officier commandant au simple matelot, qu'ils soient à bord ou ailleurs au destin momentanément incertain. D'autant que la plupart des protagonistes impliqué étaient toujours en vie à la sortie du film, et l'une des raisons d'être de celui-ci est évidemment, comme évoqué plus haut, de leur rendre hommage.

Quoi qu'il en soit, deux idées principales s’interfèrent à la vision du film, l'une concernant la reconstitution qui se veut fidèle, l'autre tentant de dénoncer une idéologie ennemie. Autant la première est motivée et efficace, autant la seconde est déplacée et maladroite pour ne pas dire datée, même pour l'époque. Mais la première n'est pas exempte de défaut. Car ce qu'on peut lui reprocher, c'est sa froideur. Une froideur historique, laissant peu de place à l'humain, au ressenti des protagonistes, à leurs atermoiements face à des péripéties exceptionnelles. Une froideur fissurée seulement à deux reprises, humanisant un court instant le récit. L'un de ces moments est cocasse, montrant un matelot déguisé en officier de marine subir les gentilles moqueries de ses camarades de rang et qui ensuite essaye de dérider un enfant chinois avec ses grimaces, l'autre étant un interlude d'ambiance via un lent traveling latéral traversant une coursive du bateau, passant d'un visage de marin à un autre, montrant des hommes épuisés, sales et blessés, piégés dans leur carcasse flottante et incertains sur leur devenir. La froideur évoquée se retrouve dans l'interprétation, d'une rigueur toute militaire. La sobriété, hormis Tamiroff déjà évoqué, est de mise. Les quelques marques d'émotions de font à travers le regard d'un visage noircit de crasse ou d'un simple geste comme le partage d'une tasse de thé dans le pire des moments. Ces brefs moments sont d'autant plus touchants qu'ils sont rares. Richard Todd, personnifiant l'officier chargé de débloquer la situation sur le terrain, parvient malgré tout à émerger d'une interprétation globalement anonyme (je n'ai pas dit mauvaise, loin s'en faut), tout en autorité affirmée mais restant à portée de ses hommes, trouvant là l'un des nombreux rôles de militaire qui jalonneront sa carrière (et ce dès ses débuts au cinéma), étant manifestement à l'aise en uniforme (il sera entre autres le fameux Wing Commander Guy Gibson dans Les Briseurs de barrages). Il faut dire que Todd a été un guerrier, officier parachutiste durant la seconde guerre mondiale, ayant participé aux opérations du jour J, il est donc d'autant plus crédible en soldat qu'il a connu le feu ennemi.

Un mot sur le titre français, idiot, puisqu'il n'est en aucun cas question d'un quelconque commando. Peut-être les distributeurs de l'époque ont-ils repensé à un autre film britannique mettant en scène et au pinacle la marine anglaise, Commando sur Saint-Nazaire (Gift Horse) de Compton Bennett, sorti en France en 1953, obtenant un succès d'estime avec près d'un million d'entrées (d'estime car en 1953, le trentième du box-office français dépassait allègrement les 2,5 millions d'entrées).

Rigueur, c'est bien le sentiment qui prédomine à la vision du film, mais c'est à la fois sa qualité et sa limite. Car elle n'est que très rarement accompagnée d'émotion. Et elle est régulièrement mise en défaut par la représentation des chinois communistes, grevée par une énorme faute de casting. Pourtant, il reste suffisamment d'éléments pour intéresser, comme le contexte historique assez peu exploré par des fictions, le réalisme des situations guerrières, l'efficacité de la mise en scène ou l'exploitation du cadre étriqué du navire. D'autant qu'ici, on célèbre moins une victoire qu'une fuite, ce qui est rare dans le film de guerre. Et on ressort de la vision du film avec l'impression positive d'avoir appris quelque chose...

Mise-en-scène : 6/10
Acteurs : 6,5/10
Histoire / Scénario : 6/10
Réflexion sur la condition humaine : 7/10
Spectacle offert : 6/10
Note générale : 6.2 /10







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