La Charge de la Brigade Légère (The Charge of the Light Brigade) 1968

Pays : Grande-Bretagne (2H19) Couleurs
Réalisateur : Tony Richardson
Acteurs : Trevor Howard, Vanessa Redgrave, John Gielgud, Harry Andrews, Jill Bennett, David Hemmings, Ben Aris, Micky Baker, Peter Bowles, Leo Britt, Mark Burns, John J. Carney, Helen Cherry, Ambrose Coghill, Howard Marion-Crawford, Christopher Cunningham, Mark Dignam
Producteur : Neil Hartley
Scénaristes : John Osborne, Charles Wood
Directeur de la photographie : David Watkin
Composition musicale : John Addison
Thème : Guerre de Crimée
Studio :
1 DVD / Blu-Ray disponible

Genre complémentaire : Historique
Résumé : Octobre 1854, au cours de la Guerre de Crimée, l'Angleterre et la France défendent la Turquie contre l'expansionnisme russe. Au sein du 11ème régiment de hussards une rivalité s'installe entre les officiers supérieurs le colonel Cardigan, chef de la Brigade légère et son beau-frère Lord Lucan. Sur le terrain, l'incompétence des militaires va se manifester dramatiquement bien que le capitaine Nolan tente vainement d'éviter la catastrophe...
Lieu de tournage : Peçenek, Saraycık, Istamboul, Turquie, Londres, Wexham, Iver, Grande-Bretagne

Informations complémentaires : 6 Nominations aux BAFTA 1969 : meilleur acteur pour Trevor Howard, et meilleurs costumes, direction artistique, photo, montage et chanson / Prix Anthony Asquith 1969 pour la musique à John Addison


Sortie Grande-Bretagne : 11/04/1968 - Sortie France : 19/02/1969


Format : 2.35 : 1
Technicolor
4-Track Stereo - 6-Track Stereo

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Les critiques

Flamboyant désastre

Posté par pak le 3/12/2017
La guerre de Crimée est l'un de ces conflits européens de la fin du XIXème siècle mêlant brouilles entre familles royales, alliances politiques européennes, empires s'affrontant pour protéger colonies et territoires, sortes de répétitions localisées de ce que sera la grande boucherie de 1914-18. D'ailleurs cette guerre porte les germes de celle dite moderne, où la technologie commence à bouleverser les tactiques guerrières, ce que les vieilles badernes d'officiers supérieurs ne réalisent pas, l'époque étant, notamment dans l'armée britannique, dans le respect des traditions, où l'ascendance familiale permettait d'obtenir hauts grades et commandements plus sûrement que les compétences. La cavalerie en est l'image, arme aussi glorieuse que brutale, encore efficace face à des fantassins en déroute, mais vulnérable en terrain découvert et face à l'artillerie, un obus parcourant plus vite qu'un cheval les centaines de mètres qui le séparent de sa cible, ce que mettra en valeur, si je puis dire, l’hécatombe racontée dans ce film, mais qui n'empêchera pas son utilisation ultérieure dans d'autres conflits et d'autres armées, et ceci durant encore des décennies (on se souviendra des lanciers polonais allant se fracasser contre les panzers allemands en 1939).

Qu'est-ce que la guerre de Crimée ? Une guerre qui opposa l'Empire Russe à une coalition quasi contre-nature constituée du Royaume-Uni, de la France, du royaume de Sardaigne et de l'Empire Ottoman. Le Tsar Nicolas 1er caresse alors l'espoir de démanteler l'Empire Ottoman et profite d'une querelle religieuse surréaliste avec l'empereur français Napoléon III (chacun des deux empereurs veut assurer en exclusivité la protection des Lieux Saints de Jérusalem, partie intégrante de l'empire turc, mais le sultan d’Istanbul semble donner la préférence aux catholiques représentés par le français, ce qui exaspère le russe) pour envahir en juillet 1853 les provinces roumaines de Moldavie et de Valachie, chrétiennes mais vassales des musulmans ottomans. En octobre, la guerre est déclarée entre les deux empires. Pragmatiques, les anglais craignent pour la sûreté de leur route des Indes, et donc l'accès à leur principale colonie, puisque le tsar vise clairement la domination de la Méditerranée orientale. Mais ne voulant pas entrer seuls en guerre contre la Russie, les anglais poussent Napoléon III à les suivre dans cette voie alors que ce dernier tente de faire entendre raison au tsar. Les pourparlers entre Paris, Londres et Saint-Pétersbourg étant dans une impasse, l'empereur français, soucieux de plaire à l'ancien ennemi héréditaire, accepte, et le 12 mars 1854, la France et l'Angleterre s'allient officiellement contre la Russie. 15 jours plus tard suit la déclaration de guerre. Une guerre qui se terminera avec les accords de Paris du 30 mars 1856, aux dépends des russes.

La charge de la brigade légère en est un fait de guerre réel, bien connu et même légendaire en Grande-Bretagne, et qui inspira poètes (Rudyard Kipling et Alfred Tennyson), peintres (les toiles guerrières de Richard Caton Woodville), et cinéastes (Michael Curtiz et son film éponyme de 1936, inspiré du poème de Tennyson). Tous ont en commun une image de l'évènement pleine de panache, d’héroïsme et d'une certaine beauté du geste. Sauf que...

Sur le papier, nous avons environ 670 cavaliers lancés à l'assaut des forces russes le 25 octobre 1854 dans la vallée de Balaklava (de nos jours en Ukraine) sensées être en retraite, afin de les empêcher d'emporter leur artillerie. Mais, loin d'être en déroute, l'armée russe est bien en place, et reçoit la charge avec 50 canons, épaulés par 20 bataillons d'infanterie, forces implantées face et de chaque côté des cavaliers, qui sont fauchés par dizaines. Lors du regroupement après le terrible assaut, seuls 195 hommes ont encore leurs chevaux. Près de 250 hommes sont tués ou blessés, auxquels s'ajoutent une soixantaine de prisonniers, et environ 360 chevaux furent massacrés. Un acte militaire aussi fou qu'héroïque...

Mais dans les faits, l'héroïsme, bien réel, est largement tempéré par les circonstances qui ont déclenché cette charge, circonstances que Tony Richardson va s'attacher à décortiquer. Car Richardson est un réalisateur indépendant, qui s'est révélé quelques années avant ce film avec le Free Cinema, que l'on pourrait apparenter à une Nouvelle Vague à l'anglaise apparue en 1956 jusqu'à la fin des années 1960. L'époque est à la contestation, et plus particulièrement contre une guerre du Vietnam qui s'enlise et se durcit. D'ailleurs plusieurs films sur la guerre, antimilitaristes et dénonciateurs, entre nihilisme et ironie mordante, verront le jour entre la fin des années 1960 et le début des 1970 : Ah Dieu ! Que la guerre est jolie de Richard Attenborough (1969), M.A.S.H. de Robert Altman (1970), Soldat bleu de Ralph Nelson (1970), Johnny s'en va-t-en guerre de Donald Trumbo (1971)... La charge de la brigade légère appartient à cette mouvance ayant en commun de porter un regard plus qu'acerbe sur la guerre et ceux qui la font.

Dès le début, avec ses séquences animées à la Monty Python (mais le groupe de joyeux lurons n'y est pour rien, il ne sévira à la télévision que l'année d'après la sortie du film), utilisant des caricatures telles que l'on pouvait les voir dans les journaux anglais du XIXème siècle alors que la photographie balbutiait, et même durant la première moitié du XXème, avec le lion britannique, le coq français, l'ours tsariste, on comprend que l'on n'a pas à l'écran un film de guerre comme les autres. Ces animations serviront d'intermèdes tout le long du film, posant le contexte social et les enjeux avec un regard sarcastique. Ce mélange de sérieux et de comique sera la constante d'un film dont la morale serait un désabusé « mieux vaut en rire... ». Richardson était un cinéaste anglais, nationalité qui induit généralement un regard lucide et aigu sur les aspects sociaux du récit et des personnages. Ainsi la première partie du film confronte les relations entre les soldats du rang et leurs officiers, pauvreté et future chair à canon pour les premiers, oisiveté et vanité des seconds. D'ailleurs l'auteur fonctionne ici par oppositions : riches et pauvres, rouge éclatant des uniformes et hardes sanglantes du champ de bataille, compétence et idiotie, courage et jalousie... La construction du film suit ce schéma, entrainement et préparation s'opposant à la réalité du champ de bataille, structure classique du film de guerre (Les 12 salopards, Full metal jacket... ). Dans la même logique, la charge est montrée non comme une volonté tactique assumée, mais comme ce qu'elle a réellement été, une conséquence de succession d'ordres confus, mal rédigés et mal compris, bref une série d'incompétences qui mèneront à l'abattoir hommes et chevaux.

Une trentaine d'années avant ce film, Michael Curtiz donna sa version de ces évènements, transposés en Inde, avec le panache qu'on lui connait et un ébouriffant Errol Flynn, où il célébrait héroïsme et camaraderie. Il est intéressant de pouvoir confronter les deux visions aujourd'hui. Nettement moins premier degré, le cinéaste anglais insiste sur les erreurs et les morts qu'elles provoquent, la guerre n'étant pour lui que poussière, sueur, sang et tripes (même lorsque les britanniques célèbrent une éphémère victoire, c'est avec au premier plan les cadavres de leurs camarades). Deux points de vue très différents sur un même événement guerrier, le réalisme s'opposant à l'imagerie d’Épinal, ce qui ne fait pas du film de Curtiz une œuvre ratée, bien au contraire. Car le soucis de réalisme de Tony Richardson peut produire un effet repoussoir, et son désir jusqu'au-boutiste de refuser toute apologie de la chose militaire lui fait presque rater la scène clé du film, la fameuse charge de centaines de cavaliers, moment cinématographique habituellement très fort (celle de Curtiz est un modèle du genre). Or il n'est pas impossible de filmer l'absurdité de la guerre de manière paradoxalement et faussement euphorique, comme l'ont démontré des gens comme Francis Ford Coppola (Apocalypse Now) ou Sam Peckinpah (Croix de fer).

Toutefois, rehaussé par un casting solide, avec un impeccable et ambigu Trevor Howard, un incroyable John Gielgud en lord qui a une (ou plusieurs) guerre(s) de retard, un solide Harry Andrews (comme toujours), et un David Hemmings qui ne souffre aucunement de la comparaison d'avec Errol Flynn, mais aussi par ses cadrages très dynamiques et travaillés, sa reconstitution victorienne et ses costumes qui flattent l’œil, ce film aurait pu être un chef-d’œuvre s'il avait usé d'un peu moins de satire. Il reste tout de même un grand moment de cinéma.

Mise-en-scène : 7/10
Acteurs : 8/10
Histoire / Scénario : 6,5/10
Réflexion sur la condition humaine : 7/10
Spectacle offert : 7,5/10
Note générale : 7 /10







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