Terreur au Texas (Terror in a Texas town) 1958

Note : 8 /10 (5 votes)

Année de production : 1957
Pays : États-Unis (1H20)
Réalisateur : Joseph H. Lewis
Acteurs : Sterling Hayden, Sebastian Cabot, Carol Kelly, Eugene Mazzola, Nedrick Young, Victor Millan, Frank Ferguson, Marilee Earle, Byron Foulger, Fred Kohler Jr., Gil Lamb, Tyler McVey, Steve Mitchell, Hank Patterson, James H. Russell, Ted Stanhope, Sheb Wooley
Producteur : Frank N. Seltzer
Scénaristes : Dalton Trumbo, Nedrick Young
Directeur de la photographie : Ray Rennahan
Composition musicale : Gerald Fried
Thème : Tueurs
Studio :
2 DVD / Blu-Ray disponibles

Résumé : Dans la ville de Prairie, au Texas, le vieil Hansen refuse de vendre sa propriété à Ed McNeil qui convoite ses terres dont le sous-sol regorge de pétrole. Pour le puissant homme d'affaires, les moyens importent peu : il charge Johnny Crale, un tueur professionnel, de le débarrasser de l'entêté. Hansen est exécuté sous les yeux de ses employés mexicains. Trois jours plus tard, son fils, un jeune chasseur de baleines suédois, arrive en ville. On l'informe de l'assassinat de son père. Opiniâtre, il compte bien découvrir les meurtriers. Mais la peur lie les langues...
Lieu de tournage : Santa Clarita, Hal Roach Studios, Melody Ranch, Californie

Informations complémentaires : Sortie États-Unis : 25/08/1958 - Inédit en salle en France.

Titre Français à l'occasion de la diffusion sur Arte en 2006 : Terreur au Texas

Tournage : entre mi et fin novembre 1957.

Le scénario est attribué à Ben L. Perry, prête-nom utilisé par Dalton Trumbo


Format : 1.85 : 1
Noir et Blanc
Mono (Westrex Recording System)

Distribution : Film inédit en France

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Contestation sous prête-nom

Posté par pak
Le réalisateur Joseph H. Lewis (auteur du mythique Gun crazy, 1950) signe ici son dernier film, avant d'entamer une seconde carrière durant quelques années pour la télévision, et de se retirer du métier. Il faut dire que l'attaque cardiaque dont il a été victime en 1953 l'avait quelque peu fatigué, lui qui enchainait les réalisations depuis 1937 à un rythme de stakhanoviste (il prit sa retraite en 1956, se consacrant à sa passion de la pêche au large quand il ne donnait pas des conférences pour des aspirants réalisateurs).

Stakhanoviste, mot communiste a priori peu adapté à une œuvre hollywoodienne des années 1950, et pourtant, malgré l'aspect anodin de ce western de série B, nous sommes bien en plein débat idéologique ! Car ce film a une particularité : si le scénario est signé d'un certain Ben L. Perry, il se cache derrière ce pseudonyme un autre nom bien plus connu, celui de Dalton Trumbo. L'auteur de Johnny s'en va-t-en guerre est alors « blacklisté » suite au procès injuste intenté contre lui (et d'autres : les fameux « dix d'Hollywood ») par la commission sur les activités anti américaines en 1947, et il n'a plus le droit de travailler pour le cinéma américain. Exilé au Mexique, il continue pourtant à écrire des scénarii sous de faux noms, l'ironie du sort voulant qu'il remporte deux Oscar sous ces faux-noms (pour Vacances romaines de William Wyler en 1954, il ne sera crédité du scénario qu'en 1992, et Les clameurs se sont tues d'Irving Rapper en 1957, reçu effectivement en 1975).

Faisons un aparté sur cette affaire... Les « dix d'Hollywood » furent mis en cause par la commission sur les activités antiaméricaines en 1947, alors que les USA étaient en proie à un délire paranoïaque et traquaient tout ce qui ressemblait de près ou de loin à du communisme. Une première liste de 19 personnes travaillant pour Hollywood fut dressée, celles-ci ayant été inscrites au parti communiste. Les noms des réalisateurs Lewis Milestone, Edward Dmytryk et Robert Rossen, du scénariste Dalton Trumbo et du dramaturge Bertolt Brecht étaient inscrits sur cette liste. Finalement, seuls dix d'entre eux (en fait onze avec Brecht mais celui-ci quitta le pays avant le procès après avoir déclaré ne pas être communiste) durent répondre à la commission et tous refusèrent de le faire à la question concernant leur appartenance ou non au parti : les « dix d'Hollywood » été nés. Dmytryk et Trumbo en étaient. Tous furent condamnés à de la prison (6 mois à un an) et à une amende (de 500 à 1000 dollars de l'époque) pour outrage à la cour. Tous virent leurs contrats avec leurs compagnies cassés. Parallèlement, les dirigeants des grands studios décidèrent d'un commun accord de ne plus embaucher les dix, la fameuse liste noire était créée. Seul Dmytryk se rétracta en 1951 en donnant à la commission des noms de personnalités proches de l'idéologie communiste, ce qui lui permit de retravailler rapidement. Les autres virent leur carrière brisée malgré leurs tentatives de continuer sous de faux noms. Ils ne purent réutiliser leur vrai nom qu'à partir du début des années 1960... Et cette affaire n'est qu'un prélude au maccarthysme, du nom du sénateur Joseph McCarthy qui, de 1950 à 1954 va mener une véritable chasse aux « rouges », dont seront victimes des noms aussi connus que John Berry, Charles Chaplin, Walter Bernstein, Jules Dassin, John Cromwell, Carl Foreman, Jerry Fielding, Marlène Dietrich, Cy Endfield, Martin Ritt, Abraham Polonsky, Joseph Losey, Orson Welles... Comme pour les « dix », certains verront leur carrière brisée ou sabotée. D'ailleurs dans le film de Lewis, une de ces victimes, moins célèbre, joue un rôle, celui du tueur en noir Johnny Crale, il s'agit de Nedrick Young, ici sous le pseudonyme Ned Young (s'est pas trop foulé le gars) ; il était aussi scénariste et aurait contribué à l'écriture clandestine du scénario de Terreur au Texas, sans en être crédité, même de nos jours, et il aura une belle revanche en remportant en 1959 un Oscar pour son scénario de La chaine (The Defiant ones) réalisé par Stanley Kramer avec Tony Curtis et Sidney Poitier, scénario signé là encore caché sous un prête-nom, Nathan E. Douglas. Autre paria du maccarthysme, la vedette même du film, Sterling Hayden, à cause de son appartenance au parti communiste américain en 1945. Interrogé par la commission sur les activités antiaméricaines, l'acteur fut contraint de citer les noms de personnes qu'il y a rencontré, puis il fut inscrit sur la liste noire du cinéma. Toute sa vie il s'en voudra de son témoignage et exprimera ses remords dans un livre autobiographique en 1963. Après ce film, il ira se faire oublier au Mexique pour tourner Ten days to Tulara réalisé par George Sherman, film d'aventures inédit en France. Puis il lui faudra patienter près de 6 années avant de revenir au cinéma, rappelé par Stanley Kubrik (qui l'avait déjà dirigé en 1956 dans l'excellent film noir L'Ultime razzia) pour tourner en 1963 Docteur Folamour.

Avec un tel pédigrée, on se prend alors à regarder ce western assez mineur d'un autre œil, n'étant pas uniquement la série B dont il se donne les airs. Il est évident à sa vision que les avatars des scénaristes et acteurs avec l'état américain et sa commission injuste et bornée, appuyée par les principaux patrons de studios, ont fortement teinté d'amertume le récit. Il faut voir le shérif dire au héros qu'il a des droits et qu'il doit les faire respecter tout en lui faisant comprendre qu'il n'a rien à attendre de lui, ou encore ce même shérif jeter son étoile en ramassant des billets de banque : injustice et corruption, ça en dit long sur l'état d'esprit de Trumbo quand à la justice de son pays. Ce n'est pas un hasard non plus si l'homme qui fait tuer ses opposants et qui convoitise les terres des autres soit un homme d'affaire. Il est clairement la figure du capitalisme prêt à éliminer la concurrence pour s'enrichir, représentant un soi-disant progrès écrasant ceux qui n'avancent pas dans le même sens, bons comme mauvais. Car le tueur à la solde de l'homme d'affaire véreux est un dinosaure, issu d'un passé où le colt faisait office de justice (ou d'injustice). Ce tueur va lentement évoluer au fil du récit, mais pas le sens souhaité par son employeur. D'ailleurs le thème du décalage des survivants de la conquête de l'ouest face à la civilisation qui s'installe inexorablement sera un thème de plus en plus développé dans les westerns à venir, qu'ils soient américains (Juge et hors-la-loi de John Huston, 1972, ou La horde sauvage de Sam Peckinpah, 1969) ou, temporairement, italiens (Il était une fois dans l'ouest de Sergio Leone, 1968).

La force du réalisateur, c'est d'intégrer tous ces ingrédients tout en évitant le pensum ou le film dénonciateur. Il n'en a d'ailleurs ni les moyens ni le temps, sa production étant une série B fauchée. Il est donc contraint d'aller à l'essentiel, ce qui n'exclue pas une réflexion politique pour peu qu'on lise entre les lignes. Du coup, d'une intrigue somme toute classique du western (riche propriétaire contre petits exploitants), Lewis trousse un film qui s'échappe (partiellement) des clichés du western en lorgnant fortement vers le film noir. D'ailleurs son environnement essentiellement urbain, écartant grandes chevauchées et panoramiques de paysages, son tueur à gage vêtu de noir comme une variation du gangster en costume, porte-flingue d'un quelconque boss du crime, la corruption évidente de la police locale, le racket de la population... y font fortement penser. Normal, le réalisateur a signé ses plus belles réussites dans ce genre (du moins de ce qu'on a pu voir, beaucoup de ses films étant inédits en France). Même la relation des personnages rappellent le polar dans ce qu'il peut avoir de plus désespéré. Le tueur à gages n’éprouve que du mépris pour son patron pour lequel il effectue pourtant les plus basses besognes, mépris réciproque de celui qui estime son sbire comme un mal nécessaire (à son profit). Dans la même veine, les rapports haine/amour du tueur avec Molly, où chacun renvoie à l'autre l'image de sa propre déchéance, jusqu'au drame, sont typiques des histoires de gangsters où la peur fait office d'admiration forcée, et la perte d'illusions de fidélité. Une noirceur qui gravite donc autour d'un tireur d'élite fini, mais pas moins dangereux, qui aurait mérité un autre interprète que Nedrick Young pas très expressif et manquant surtout de charisme.

Face à cette noirceur, le personnage du héros oppose une certaine candeur, n'affichant aucuns doutes. Solidement campé par Sterling Hayden, son Hansen est l'incarnation de la mentalité américaine qui est l'unique passerelle entre passé, présent et futur. Une sûreté de soi inébranlable, persuadé de son bon droit et fonçant tête baissé dans le bide de l'injustice. La détermination même, un personnage obstiné, voire obtus : Hayden s'impose sans peine par la puissance de son jeu et son charisme de baroudeur auquel il ajoute une naïveté de grand benêt têtu comme pas un, oubliant parfois de réfléchir avant d'agir. Lorsque c'est pour la bonne cause, comme ici, ce comportement force l'admiration. Trait typique de la mentalité américaine, on tiquera beaucoup plus cinquante ans plus tard sous l'ère Bush, où cette obstination devint un argument perverti pour de mauvaises raisons idéologiques et de vraies motivations économiques, et mènera à la guerre en Irak et en Afghanistan. Mais, dans les années 1950, le rêve américain, malgré les revers liés à la chasse aux sorcières communistes, est encore une réalité, ou du moins une possibilité. C'est entre ces deux eaux que le réalisateur navigue : la plaie ouverte du maccarthysme et la société américaine en pleine prospérité sous la présidence d'Eisenhower. Ce film est, quelque part, une allégorie de la lutte intestine que le président et McCarthy entretenaient l'un contre l'autre...

On peut aussi relever que les personnages principaux, du côté des gentils, sont issus de l’immigration. Les deux principaux, suédois et mexicain, sont l'image de ce que fut la construction du pays, liée à l'esprit de pionnier et d'entreprise de communs ayant quitté leurs pays pour commencer et construire une nouvelle vie, une nouvelle nation, chose peu abordée dans les westerns d'alors, et surtout un peu oubliée dans les États-Unis modernes, tentant vainement de verrouiller ses frontières...

Mais, si on reste dans le domaine pur du western, sans arguties politiques, sociales ou historiques, Terreur au Texas a encore de quoi surprendre. Son ouverture sur un duel inédit, opposant un tueur classique à un homme uniquement armé d'un harpon a de quoi étonner. Un peu comme le James Coburn lanceur de couteaux du film Les Sept mercenaires, on se dit qu'il a bien peu de chances face à un type armé d'un six-coups. Duel qui de plus n'est, au début, pas montré jusqu'à sa conclusion, n'étant qu'un prétexte pour démarrer un long flashback : là encore, l'originalité s'impose, la construction du western étant généralement assez linéaire et chronologique. Enfin, toujours à propos de cette introduction, s'impose à l'évidence l'incontestable sens du cadre de Lewis, qui rappelle ce que fera Sergio Leone dix ans plus tard. En fait, malgré la modestie de l'entreprise, on réalise à sa vision combien Joseph H. Lewis était doué avec une caméra et qu'il est bien dommage qu'il ait consacré sa carrière au service des autres, sans moyens à la hauteur de son savoir-faire.

Car si ce western est original, il est hélas desservi par un budget à l'évidence très réduit, d'où un casting inégal et surtout incomplet. Ce manque de moyen se voit dans la ville, dont les rues sont quasi toujours désertes quelque soit l'heure, ce qui plombe en partie la crédibilité du film. Une économie forcée qui oblige donc le réalisateur à faire ce qu'il peut, habillant une histoire qui révèle finalement assez peu de péripéties. Plus grave, bien que l'habituel sens du rythme de son auteur, habitué à dégraisser l'inutile pour une réalisation sèche et efficace, participe à l'intérêt du film, le manque de corps de l'histoire offre des creux où l'ennui n'est pas loin, malgré l'indéniable beauté de la mise en scène relevée par une élégante photo noire et blanche signée Ray Rennahan, oscarisé pour son travail pour Autant en emporte le vent et ses flamboyantes couleurs en 1940 (il sera nommé la même année pour les non moins magnifiques images de Sur la piste des Mohawks), ainsi que pour Arènes sanglantes en 1941, et dont, à l'instar du réalisateur, ce sera le dernier film avant de se consacrer à la télévision. En fait, on rage un peu devant cette addition de talents sous-exploités pour une production anecdotique.

Toutefois, c'est une honnête petite série B, qui marque l'esprit par son duel inattendu, son contexte historique, et l'image peu reluisante d'une ville du Texas, image d'une certaine Amérique des années 1950, étonnamment engagé pour l'époque (même si c'est par le prisme de l’allégorie pas forcément détectée).

Mise-en-scène : 7/10
Acteurs : 6/10
Histoire / Scénario : 5/10
Réflexion sur la condition humaine : 7/10
Spectacle offert : 5/10
Note générale : 6 /10







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